[Critique] – Une Nuit en enfer


Une Nuit en Enfer affiche film

Réalisateur : Robert Rodriguez

Année de Sortie : 1996

Origine : États-Unis

Genre : Vampires Mexicains

Durée : 1h48

Le Roy du Bis : 8/10
Thibaud Savignol : 6/10


Les Mordus de la Chatte


Quentin Tarantino était comme tous les lecteurs de l’Écran Barge : un gros bisseux bedonnant qui matait des films, parfois bourré, dans son studio de 20m², enchaînant les K7 pour satisfaire son appétit culturel pantagruélique et insatiable. Regarder des films, c’était son école de cinéma. La vérité, c’est que la pomme ne tombe jamais loin du pommier. Et si les pédophiles se font curés, Tarantino se fera vendeur dans un vidéo club de L.A pour se rapprocher d’un peu plus près de son rêve, avant de devenir le scénariste à succès que l’on connaît (True Romance, Tueurs nés). 

Le Tout Puissant Concupiscent

Une Nuit en Enfer porte les germes de son style antinomique, bouffant à tous les râteliers, digérant son bouillon de culture qu’il régurgite pêle-mêle, veillant à laisser une place prépondérante aux dialogues. C’est bien du cinéma français et de son meilleur parolier (Michel Audiard) que résulte d’ailleurs cette passion pour les échanges tarabiscotés, virant le plus souvent aux règlements de comptes violents (en atteste son introduction complètement détonante). Le scénariste comprend que les mots sont comme des poignards, pouvant avoir un effet plus impactant qu’une grenade s’ils sont manipulés avec soin et clamés par des acteurs talentueux.

Mais on est jamais mieux servi que par soi-même, et le cinéaste s’offre le rôle de Richard Gecko afin de donner la réplique à George Clooney. Rétrospectivement, le comédien avait alors du mal à percer dans le cinéma malgré sa popularité grandissante (Urgences). Ce n’est d’ailleurs pas tant pour ce dernier que le scénariste a voulu passer devant la caméra mais bien pour une autre actrice dont il rêvait de pouvoir baiser les pieds…

Salma Hayek offre à l’artiste (et au public) une superbe danse érotique arrosée d’un doigt de Tequila et servi par un énorme Boa. Le reste de la distribution se partage entre amis (les musiciens du groupe Tito Tarantula, Tom Savini en loubard) et vieux briscards (Harvey Keitel en prêtre cynique et désabusé, Fred Williamson en vétéran du Vietnam, Danny Trejo en barman).

Basé sur un traitement de Robert Kurtzman, le scénario d’Une Nuit en Enfer né en réalité de la passion de ce dernier pour les maquillages et effets spéciaux. Déjà bien occupé par ses propres projets, Quentin Tarantino confia la réalisation à son compère Robert Rodriguez avec lequel il avait déjà collaboré sur Desperado.

Une Nuit en enfer critique film

Bien qu’il porte la trace des deux cinéastes, le film ne récoltera que l’opprobre journalistique à sa sortie. Ce désaveu n’est pas seulement lié à cette vague vampirique qui n’en finissait plus de déferler sur nos écrans (Dracula, Aux Frontières de l’Aube, Vampires). D’abord construit comme un road-movie sanglant, Une Nuit en Enfer bifurque en effet brutalement à mi-parcours au désarroi d’une partie de la presse et du publics abandonnés sur le bas-côté. Pourtant c’est bien dans cette audacieuse rupture de ton que réside le plus grand intérêt de cette cavale meurtrière, culminant comme La Horde Sauvage sur son mont Valérien.

Aux Frontières du Bis

En franchissant la frontière, ce n’est pas seulement à une barrière culturelle à laquelle se heurte le cinéaste, mais à un autre genre à part entière. Sur le plan analytique, le scénario pourrait être né de l’imaginaire fantasmé d’un républicain américain raciste et ignorant : Le Mexique se limite à un no man’s land désertique et à un bar mal famé, peuplé de créatures démoniaques. Les femmes sont d’authentiques succubes de l’enfer assoiffées de sang. Les ressortissants américains qui les côtoient sont des canailles, probablement recherchés par la justice. 

Une Nuit en Enfer se transforme alors en pur survival dans le décor cloisonné du Titty Twister. En élève de John Carpenter, Tarantino & Rodriguez imaginent une lutte féroce et sauvage dans un cadre de plus en plus resserré, accentuant la tension et la paranoïa ambiante à mesure que les noctambules assoiffés de sang et de chair fraîche envahissent le champ et contaminent les protagonistes. 

Nerveux et rythmés, les échanges se font à couteaux tirés. Tom Savini tutoie parfois le génie de Rob Bottin (The Thing) à travers ses transformations, maquillages et effets spéciaux. Les derniers survivants devront s’organiser pour contenir l’invasion avec des capotes remplies d’eau bénite, des pieux dans le cœur et des balles sanctifiées. Les fans ne manqueront pas de remarquer les nombreux clins d’œils appuyés aux œuvres des deux cinéastes (le sexe révolver de Desperado, le Big Kahuna Burger et les cigarettes Red Apple de Pulp Fiction). 

Difficile de dire jusqu’où va l’influence de Quentin Tarantino dans le résultat final. Les excès baroques et mots d’auteurs témoignent de son pouvoir décisionnel autant sur le plateau de tournage que sur la table de montage. De son côté, Robert Rodriguez semble avoir largement respecté le cahier des charges, façonnant un folklore aztèque délirant, s’imprégnant de l’ambiance apocalyptique et cartoonesque du Braindead de Peter Jackson afin de composer ses propres effets de style. Aussi éclaté que ses vampires à la lumière du jour, Une Nuit en Enfer n’a sûrement pas fini d’abreuver la veine transgressive et hargneuse de la série Bis dont ses auteurs se revendiquent.

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