[Critique] – Code 46


Code 46 affiche film

Réalisateur : Michael Winterbottom

Année de Sortie : 2003

Origine : Royaume-Uni / États-Unis

Genre : Amour Cyberpunk

Durée : 1h32

Thibaud Savignol : 4/10


La fin des Ch’tis


Le passage du temps peut parfois se révéler cruel. À sa sortie, Code 46 fut encensé par la critique. Plusieurs récompenses (meilleur scénario et Grand Prix au festival de Sitges) et une nomination au Lion d’or à la Mostra de Venise plus tard, le succès public n’est pas au rendez-vous. Cherchant à anticiper un avenir sombre, dans le sillage d’un Gattaca sorti six ans plus tôt, les dérives génétiques auront pris le pouvoir sur nos sociétés modernes, qui a honnêtement déjà entendu parler de Code 46 ?

Big Brother

Dans un futur proche indéterminé, William Geld est envoyé dans une fabrique de passeports pour enquêter sur un trafic de faux. Doué d’une intuition hors du commun, il passe au crible l’ensemble des employés. Contre toute attente, il s’éprend de sa principale suspecte et ment à son employeur. Débute alors une passion torride entre les deux individus, qui pourrait bien s’avérer coûteuse.

Principale particularité ici, le code 46 : une loi qui interdit de procréer, si ne serait-ce qu’1% de génétique démontre le lien de parenté qui unit deux personnes, à n’importe quel degré. L’infraction de cette loi entraîne de graves conséquences, érigeant cet interdit en nouveau dogme sociétal. L’évolution de la population mondiale est ainsi encadrée à travers le contrôle des naissances, tout autant que via les passeports attribués aux individus pour des activités spécifiques, selon leur niveau de risque estimé.

Si l’on citait le bijou noir d’Andrew Niccol, il n’est pas la seule référence à mettre au crédit du film de Michael Winterbottom. Impossible de ne pas penser au Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley, avec sa société eugéniste, où chaque individu est orienté vers l’une des quatre castes organisationnelles dès sa conception dans un tube à essai. Une fois n’est pas coutume, la surveillance d’une population, et notamment l’entrave à une histoire d’amour, évoquent irrémédiablement 1984, le classique de George Orwell.

Code 46 Critique Film Cyberpunk Tim Robbins

Cœur de pierre

Un tel sujet nécessite dans l’idéal un budget confortable afin d’illustrer les visions futuristes du script. Avec seulement 7,5 millions de dollars, relativement peu pour de la Science-fiction, le réalisateur n’a d’autres choix que de recourir à une certaine ingéniosité. Et c’est sûrement là l’aspect le plus réussi du long-métrage. En filmant une Shanghai accolée à un désert où se pressent les nécessiteux, Code 46 réussit l’illusion, certes classique, d’un futur fracturé. La privatisation galopante et l’arbitraire d’une nouvelle politique ne divisent que davantage les populations.

Quasiment sans effet spéciaux, les décors nous immergent au cœur de cette dystopie, entre bureaux high tech (les écrans flottent dans le vide), ville asiatique typique grouillante et baignée de néons, ou encore ces grands bâtiments aseptisés, froids et vides. Contraste alors la chaleur du désert, le vent de liberté qui se faufile dans les rues, lorsque les protagonistes viendront à parcourir une ville du Moyen-Orient au cours d’une fuite en avant suicidaire.

Dans le même ordre d’idée, le scénario de Frank Cottrell Boyce propose un langage proche de l’Espéranto, où l’anglais se mélange au français et à l’espagnol, signe d’un monde toujours plus globalisé. Rien n’est jamais vraiment explicité, toute la compréhension de cet univers transparaît au travers du comportement de ses protagonistes, de leurs doutes et de leurs pérégrinations. Une intention louable, mais qui pêche par excès de confiance en son script, par moments plus frustrant et confus que réellement stimulant. Une création futuriste qui révèle chichement ses secrets, qu’on aurait sans doute aimé être approfondis davantage.

Derrière cette ambiance propre au long-métrage, le récit ne suit pas, répétitif, ne parvenant jamais à enflammer le sort des personnages. Si leur jeu froid et distant est sans doute une conséquence d’un microcosme sécuritaire, il est ainsi compliqué de partager leurs émotions. Le rythme en dent de scie n’arrange rien, quand les scènes au lit ne viennent pas parasiter un script qui au final n’a pas grand chose à raconter. La proposition sèche et radicale joue de ses limites budgétaires, à raison, mais il manque un cœur à cette aridité narrative et visuelle pour se dépêtrer d’un énième film cyberpunk alarmiste.

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