Réalisateur : David Gordon Green
Année de Sortie : 2021
Origine : États-Unis
Genre : Slasher Moderne
Durée : 1h45 / 1h49 (version longue)
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 7/10
Le Mal se Déchaîne
Tout fan de la saga, qu’il soit puriste et fervent admirateur de la vision de Carpenter ou féru de la version de Rob Zombie comme l’auteur de ses lignes, sonnent le branle-bas de combat pour répondre au mépris des journalistes s’accordant à enterrer le remake de ce dernier. Tous savent bien qu’Halloween reste la saga la plus représentative des forces et faiblesses du slasher. Au fur et à mesure de ses malédictions, tueries et résurrections, le masque a néanmoins fini par être dévitalisé de toute son aura maléfique, pour devenir un simple accessoire de travestissement facilement dénichable dans les brocantes et magasins de farce et attrapes. Paradoxalement, ce déguisement était à l’origine vendu à prix bon marché avant que John Carpenter ne s’en saisisse.
Après s’être compromis dans la nouvelle séquelle de 2018 ouvrant la voie à une nouvelle timeline scénaristique, David Gordon Green fut encensé à tort par la presse pour son respect absolu des codes et de l’héritage laissé par son producteur délégué (LOL). Salué unanimement pour son portrait grossier de femme blessée souffrant de névroses et de syndromes post-traumatiques (thématiques bien mieux traitées dans le Halloween 2 de Rob Zombie) ; porté aux nues pour son choix artistiquement audacieux de faire du masque le parfait reflet de celui qui le portait (idée qualifiée à tort de novatrice) ; Acclamé pour son absence d’artifice et de jump-scare moderne (ce qui est en réalité tout l’invers) ; Et enfin adulé pour sa violence graphique d’une brutalité euphorisante (argument qui fut reproché à Rob Zombie on le rappelle) que le réalisateur se contentera d’écourter à l’aide du montage, pour ne montrer que les conséquences gores, voilà que ce dernier revient donc de l’enfer pour prolonger les hostilités entre Myers et Laurie Strode (qui sera ici reléguée au second plan comme elle le fut déjà à l’époque d’Halloween 2) mais sans le soutien de la presse. David Gordon Green se retrouve désormais cloué au pilori pour les mêmes raisons que Rob Zombie, et à tort, tant sa vision est aux antipodes de cette profusion sanglante et sauvage animée par des idéologies plus politisées.
Halloween Kills démarre dans la confusion laissée par l’épilogue du précédent opus, permettant à Michael Myers de sortir vivant du traquenard concocté par Laurie Strode et de repartir plus vénère que jamais dans une croisade meurtrière envers et contre tous. Comme son titre semble l’indiquer, cette séquelle ne fera donc pas dans la dentelle, mais bien dans la tuerie de masse, réduisant Myers à une figure d’équarrisseur se fondant dans la foule pour semer la mort avec tout ce qu’il lui passe sous la main (hache, couteau de cuisine, scie circulaire, etc…). À charge de laisser la milice locale emmenée par Tommy Doyle (l’enfant traumatisé de l’opus original) de s’emparer du problème à bras le corps pour stopper la mécanique de prédation. Le pouvoir de contamination du mal se propage donc de manière brutale dans la banlieue, charriant son lot de dérives et d’extrémistes presque religieux.
A l’ère de l’Amérique Trumpienne, le message est brocardé avec la même grossièreté que ses symboles et reliquats du passé, jusqu’au grain caractéristique de l’image reproduit dans son prologue, invoquant les figures mythiques (le Docteur Loomis). Seulement, il ne suffit pas de mimer la mise en scène de John Carpenter au plan près pour s’accorder une légitimité auprès des puristes. Laurie Strode (Jamie Lee Curtis) retourne encore sa veste en se plaçant du mauvais côté de la vindicte populaire alors que son réalisateur en avait pourtant fait la parfaite face opposée de Myers. Halloween (version 2018) allait d’ailleurs jusqu’à la placer dans les mêmes positions intimidantes de stalker au détour d’un regard porté vers la fenêtre extérieure. Un choix qui montre bien toutes les contradictions et paradoxes au cœur de cette entreprise brouillonne qui carbure sur la nostalgie des fans, ses idéologies politiques, et ses nombreux retournements de situations et excès graphiques.
L’intrigue qui inverse le jeu du chat et de la souris, en faisant de son prédateur la proie d’une population exhortée par la fureur de ses leaders, est particulièrement habile bien qu’elle n’ait rien de novatrice contrairement à ce qui a pu être notifié par certains grattes-papiers. Si l’on s’en réfère à la séquelle opérée par Rick Rosenthal en 1981 ou bien à Halloween 4 : Le Retour de Michael Myers, les miliciens étaient déjà exhortés à appréhender la menace coûte que coûte. Rien de nouveau sous l’obscurité d’Haddonfield et son atmosphère nihiliste. Myers qui semblait autrefois motivé par le scalp de Laurie Strode semble errer sans but et tuer mécaniquement tous ceux qui lui barrent la route, simplement parce que son devoir de croquemitaine lui incombe de le faire. Le personnage qui apparaissait plus vulnérable et fragile semble aussi impassible et brutal qu’un panzer allemand lancé à toute vitesse, du moins jusqu’au guet-apens polémique du film.
Sévèrement malmené, roué de coups de batte et de pied, par une foule que l’ivresse du sang a rendue hystérique, le tueur s’en relèvera finalement, encore et toujours. Cet incident de parcours pouvant constituer une trahison en bonne et due forme (le tueur est encore une fois dévisagé, bien que son visage soit partiellement dissimulé), cherche en réalité à nous tendre le reflet d’une société malade, rongée par le vice et la haine. Une idée remarquable néanmoins occultée à la faveur d’un énième cliffhanger ruinant toutes les meilleures thématiques esquissées dans cette séquelle, pour ne laisser que le souvenir amer du cabotinage excessif de ce cher Tommy Doyle et de son couple de gays caricaturaux. Reste néanmoins l’ivresse sanglante du carnage et l’opulence de boyaux et de tripailles déversés par les victimes du croquemitaine, qui s’en repart pour une nouvelle retraite d’un an avant de revenir hanter des hordes de spectateurs sanguinaires rompus à cet exercice de style.