
Réalisateur : William Brent Bell
Année de Sortie : 2023
Origine : États-Unis
Genre : Horreur Folklorique
Durée : 1h44
Thibaud Savignol : 5/10
Sortie en exclusivité sur Shadowz : 29 novembre 2024
Le Seigneur des glands
En toute franchise, on ne peut pas dire que William Brent Bell soit un réalisateur qui ait marqué ou marquera durablement le genre horrifique. Si son début de carrière commençait très mal avec les nullissimes Stay Alive et Devil Inside, leur relatif succès au box-office lui permirent d’enchaîner les projets. En 2016 The Boy sort du lot avec sa bâtisse cinégique et son twist malin. On passera rapidement sur sa suite inutile et davantage encore celle d’Esther, non sens-filmique et de bon sens tout court. Shadowz nous propose aujourd’hui en exclusivité son dernier méfait, Lord of Misrule.
Une impression de déjà-vu
Dans la campagne anglaise, la famille Halland vient s’installer dans le bled paumé de Burrow. Rebecca est la nouvelle vicaire, et partage son quotidien avec cette petite communauté. Alors qu’elle coule des jours heureux avec sa fille et son mari, la fête des moissons se profile. Grace est choisie en tant qu’Ange des moissons afin de recevoir la bénédiction des dieux. Mais lors des festivités, tout s’emballe, et la voici qui disparaît. Une course contre la montre s’engage pour la retrouver, mais les traditions ancestrales pourraient bien jouer contre eux.
Difficile en 2024 de s’inscrire dans la Folk Horror sans citer immédiatement ses références. Un genre qui a connu un vraie recrudescence ces dix dernières années, notamment suite aux réussites que furent The Witch et le quasi-expérimental Kill List. Deux essais qui avaient le bon goût de tordre les codes habituels pour ce type de production afin de tracer leur propre voie. Ici il n’en est rien. Midsommar, Le Rituel ou encore Men sont passés par là, chacun avec sa propre personnalité. Le script semble ici presque être un décalque de celui de The Wicker Man, l’alpa et l’oméga du genre, reproduisant à la lettre les péripéties du classique de 1974.

Si la première partie parvient à susciter l’intérêt, en proposant notamment une confrontation entre deux croyances, chrétienne et païenne, le long-métrage n’explorera que très fébrilement cette piste, préférant l’enquête inquiétante et convenue. Le problème est que l’on voit chaque «retournement» ou pas de côté arriver des plombes à l’avance. Impossible pour quiconque a vu ne serait-ce qu’un film de Folk Horror d’être surpris par les événements. Si tout le village semble être du côté du couple meurtri par la disparition de leur enfant, une tête brûlée résiste à la compassion. Et l’on comprend rapidement qu’il se pourrait qu’il ne soit pas le seul à vénérer des entités païennes ancestrales. Révélant par miettes le passé trouble de la communauté, le film arbore un premier degré et une naïveté assez confondants, persuadé de son originalité.
L’atmosphère à la rescousse
La mise en scène apparaît pantouflarde, fleurtant parfois dangereusement avec le téléfilm. Les quelques apparitions horrifiques sont presque de trop, là où la parole et l’évocation des mythes suscitent bien plus d’effroi. Mais pourtant, malgré ses lacunes narratives et rythmiques (on note un bon quart d’heure de trop), William Bell parvient à distiller une atmosphère de fin du monde parfois suffocante, où le danger peut poindre derrière chaque porte, face à chaque individu. Bien qu’en raison de cette impression de déjà-vu persistante la paranoïa créée semble artificielle, le dernier tiers bouscule enfin sa propre léthargie pour proposer quelques tableaux infernaux que n’aurait pas renié Jérome Bosh dans son Jardin des Délices.
Si il peut s’appuyer sur une photo léchée, notamment en ce qui concerne les extérieurs brumeux, le metteur en scène bénéficie surtout d’une direction artistique aux petits oignons. Entre le design de la créature, les masques et dessins qui ornent les murs ou encore les lieux de culte, chaque élément a été savamment pensé pour se raccorder in fine aux thématiques abordées. Ajoutez par dessus une bande-originale aux sonorités folk réussie et une interprétation solide (Ralph Ineson toujours impeccable), et vous obtenez cet ersatz de Folk Horror. Incroyablement flemmard scénaristiquement, mais doté d’une identité visuelle forte et d’une bascule finale plutôt réjouissante, Lord of Misrule pourra s’avérer plutôt plaisant pour qui lui pardonnera ses offenses.