
Réalisateur : Andrew Lau
Année de Sortie : 1993
Origine : Hong Kong
Genre : Chasse au Prédateur
Durée : 1h35
Thibaud Savignol : 6/10
L’ange s’est envolé
Comme le disait la traduction française lunaire du Angry Guest de Chang Cheh en 1972, il faut battre le chinois pendant qu’il est chaud. Suite au succès de Naked Killer en 1992, sorte de Nikita plus trash et graveleux, l’infatigable Wong Jin décide de mettre en chantier une suite dès l’année suivante. Bien que les deux intrigues n’aient pas grand chose à voir (un seul personnage en commun), le film est balancé en salles sous le titre Naked Killer 2. Mais à l’origine, et comme ce sera le cas lors de son exploitation VHS et DVD, le film s’intitule Raped by an Angel. Encore un petit coup marketing du père Jin, qui n’en est pas à son coup d’essai en terme de filouterie de producteur.
La Biastophilie façon HK
Budget rachitique oblige en bon film de Catégorie 3 qui se respecte. On fait donc appel au débutant Andrew Lau qui vient de réaliser ses trois premiers films, prouvant qu’il excelle aussi bien dans l’action (Angainst All), la comédie horrifique (The Ultimate Vampire) et le drame pur jus (Rythm of Destiny). Comme nombre de ceux ayant œuvré dans le genre de façon sporadique, lors des débuts, il n’évoquera que rarement son travail par le futur. Seul Herman Yau, auteur des inoubliables Untold Story et Ebola Syndrome, assumera toujours fièrement son apport à la Catégorie 3, réceptacle des pulsions hongkongaises à l’aune de la rétrocession de 1997.
Un intrus se faufile au domicile d’une jeune femme, la menotte de force avant de la violer. Horrible séquence qui ouvre ce Raped by an Angel. Mais bien vite le masque tombe, et il ne s’agit que d’une mise en scène, Chuck ayant besoin de simuler des actes violents pour s’exciter au lit. Musculature d’Apollon, confiance en lui exacerbée et avocat réputé, Chuck jette cette fois son dévolu sur une star de la publicité, la ravissante Yau Yuk-Nam. Interprétée par Chingmy Yau, Miss Hong Kong 1988 et actrice montante en ce début d’années 90 (la fresque Lee Rock), celle-ci repousse ses avances de séducteur invétéré. Tandis qu’elle se lie d’amitié avec un parrain local des triades, le bien nommé Frère Tartelette (véridique !), Chuck ne compte pas en rester là. Ce dernier prépare un plan machiavélique pour assouvir ses pulsions sur sa meilleure amie, en emménageant notamment juste à côté de l’appartement des deux colocataires.

Une série B bien méchante
Étrange objet que ce Catégorie 3. Clairement en dessous de ses camarades en terme de violence graphique et d’excès en tout genre, il n’en reste pas moins profondément perturbant par moments. L’ange du titre n’est rien d’autre qu’un ange déchu, pervers narcissique prêt à toutes les mesquineries pour arriver à ses fins. Ce n’est pas tant l’acte qui l’intéresse que les machinations mises en place pour y parvenir, tout autant que le pouvoir exercé sur ses victimes. Dès le départ il n’hésite pas à livrer sa petite amie au bon vouloir d’un collègue, excité par cette femme réduite à l’état de satisfaction sexuelle.
On serait tenté d’y voir un pamphlet féministe face aux violences sexuelles impunies (Chuck s’en tire souvent à bon compte), mais ne nous trompons pas. La limite morale ne sera jamais totalement franchie, le violeur restant représenté comme un pur génie du mal, et la victime jamais discréditée par la mise en scène. Car Raped by an Angel reste avant tout un pur film d’exploitation, thriller énervé aux élans érotiques sublimés par la photographie (les éclairages stylisés), ou au contraire d’une brutalité frontale lorsqu’il s’agit de viols. Si il tente de distancier les deux, impossible de ne pas voir une certaine complaisance, tant par l’utilisation de la musique que par ses chorégraphies étudiées. Mais après tout, la Catégorie 3 sert d’abord à flatter nos plus bas instincts.
L’intrigue tarte à la crème entre Frère Tartelette et Yuk-Nam, bien que typique des rom-coms honkongaises un brin lourdingues, fonctionne grâce au talent de ses interprètes, avec un Simon Yam encore en roue libre en séducteur ordurier et insistant. Un jeu de séduction lourdaud qui portera pourtant ses fruits, preuve que l’idée d’un manifeste dénonciateur n’était pas à l’ordre du jour. Malgré une construction ingénieuse l’œuvre accuse un rythme bâtard, mais emportera le tout grâce à une dernière demie-heure d’une injustice crasse. La vengeance ourdie sera à la mesure des affronts subis et enverra chier la morale lors du climax qui, si il n’est pas choquant par sa violence visuelle, l’est par son irrévérence à peine imaginable, annonçant les excès lubriques du futur Ebola Syndrome.