
Réalisateur : Stephen Cognetti
Année de Sortie : 2023
Origine : États-Unis
Genre : Hôtel Hanté
Durée : 1h38
Thibaud Savignol : 6/10
Plus on est de clowns
Comment continuer à engranger du pognon avec une franchise lucrative, une fois que la trilogie est arrivée à son terme ? Et bien on met en route son propre préquel, pardi ! Une astuce scénaristique qui a le vent en poupe ses dernières années, et dont le père Lucas fut sûrement l’un des précurseurs, avec sa nouvelle prélogie Star Wars à l’aune des années 2000. Rien que l’année dernière, en 2024, on a eu le droit à celui de La Malédiction (assez vain), à l’avant Hunger Games (plutôt emballant) et aux origines de Furiosa (mais là on parle d’un chef d’œuvre prévu de longue date). Si l’élan initial est régulièrement motivé par l’appât du gain, rien n’empêche d’accoucher de longs-métrages de qualité.
Il ne faut jamais perdre espoir
Soyons honnêtes, la franchise Hell House LLC battait sérieusement de l’aile dès son deuxième opus. Le film sombrait dans une redite assez dommageable, et proposait un final tout aussi intriguant que bordélique. La suite ne faisait que répéter les mêmes tropes, en quasi-remake du film originel, pas aidée par un rush de production voulant à tout prix profiter de la hype du moment. Point rassurant ici, ce quatrième opus, centré sur les origines de l’hôtel Abbadon, ne voit le jour que quatre ans après la conclusion ridicule du troisième volet.
Une légende entoure le manoir des Carmichael suite au décès brutal de plusieurs membres d’une famille en 1989. Le père et le fils ont disparu depuis, laissant croître toutes les interprétations possibles. Rebecca et Margot, accompagnées du frère de cette dernière, Chase, parviennent à louer la demeure durant 5 jours, persuadées que le lieu est véritablement hanté. Étant dans un Found-footage, les rushs visionnés sont la seule matière qu’il reste de leur dernière nuit de terreur.

Trêve de suspense, ce Hell House LLC Origins constitue une agréable surprise, sans doute le meilleur épisode depuis le début de la saga en 2015. Stephen Cognetti réutilise le concept d’un lieu maudit, où de sales tours seront joués à ses occupants. Là où les suites se noyaient dans une surenchère scénaristique et une peur stéréotypée, le metteur en scène parvient ici à renouer avec un classicisme des plus léchés. La multiplication des sources (deux caméra, écran d’ordinateur), procédé commun dans le genre depuis REC 2, s’intègre parfaitement au récit, sans ce parfum d’artificialité émanant de certaines productions (Blair Witch 2016, Pyramide).
Un retour inspiré
Le trio investit dès lors les lieux, découvrant comme le spectateur ce lieu reculé, à quelques encablures du célèbre Abaddon Hotel. Cognetti prend son temps, rend ses protagonistes plus attachants que les journalistes opportunistes précédents, et joue habillement de la topographie de son décor. On retrouve cette peur primaire, si jouissive du Found-footage, où la proximité du dispositif décuple la croyance en chaque apparition. Le scénario va progressivement faire le rapprochement entre les deux lieux, par à coups de plus en plus traumatiques. Si la révélation finale s’avère un brin bordélique, elle s’intègre cette fois-ci totalement au récit et réussit son effet dérangeant.
Mais surtout, la mise en scène parvient enfin à renouer avec les moments de flippe traumatisants du premier opus. Les mannequins de clowns sont à nouveau terrifiants, filmés en plein jour, immobiles, incapables de la moindre attaque mais suintant un malaise diffus. La peur se distille au grès des apparitions des hôtes du manoir. Ces quelques années passées à préparer le film ont permis au réalisateur de retrouver l’entièreté de ses moyens : très peu de jump-scares faciles, pas de satanés glitchs (!), et une volonté sincère de renouer avec une terreur atmosphérique ponctuée d’éclats, dont le summum reste cette conversation Facetime, progressivement envahie par un fantôme un brin joueur.
Même si on reste parfois circonspects face à ces personnages sacrément téméraires, qui restent coûte que coûte malgré des phénomènes de plus en plus vindicatifs, l’isolation du lieu et la pugnacité de Margot font passer la pilule. Il faudra également expliquer à Cognetti que les caméscopes en 1989 (des archives seront retrouvées) ne proposaient pas une image aussi dégueulasse et un son saturé à l’extrême. La volonté de séparer distinctement les deux époques à eu la main lourde lors du montage. Et réjouissons nous, le tournage d’Hell House LLC : Lineage vient tout juste de se terminer pour une sortie prévue en octobre 2025. Vous reprendrez bien un peu d’hôtel maudit ?