
Réalisateur : Ernest R. Dickerson
Année de Sortie : 1998
Origine : États-Unis / Canada
Genre : Sport Du Futur
Durée : 1h31
Le Roy du Bis : 6/10
Blade Roller
Le sport il a changé. Le basket, le foot, et la boxe ne font plus bander. Pour se réinventer et réguler le taux de criminalité dans les banlieues, un entrepreneur a eu l’idée d’inventer un nouveau sport alliant vitesse, saut en hauteur, tactique, agilité, roller, overboard volant, contact rugueux et affrontement à la barre à mine. Son nom : le Futuresport, soit le sport du futur pour les non-anglophones. Un nouvel opium qui permet de contrôler les masses et de catalyser les frustrations d’une population qui s’extasie devant cette violence brutale. Évidemment, comme tout sport populaire, celui-ci a fini par être professionnalisé et perverti par ses principaux acteurs et créanciers.
L’octogone du futur
Les joueurs sont donc des gladiateurs des temps modernes, œuvrant en équipe pour aller marquer un but dans le trou adverse. Pas de règle du hors-jeu à l’américaine, trop compliquée à assimiler pour les non-initiés. La balle s’électrifie néanmoins au bout de 5 secondes de manière à obliger le joueur à la passer à ses coéquipiers. Cela n’empêche pas certaines têtes brûlées de tenter crânement leur chance au risque de faire perdre leur équipe. Tre Ramsey est au Futuresport ce que Ronaldo, Messi et Mbappé sont au ballon rond soit un monstre d’égocentrisme. Un champion peinant à se remettre en question et dont la côte de popularité va baisser à la suite d’une erreur qui lui fera perdre la saison avec son équipe de bras cassés.
Mais toutes ces raclées et coups flanqués dans l’arène ne seront rien en comparaison des règlements de compte orchestrés dans des conférences de presse interposées. Dans ces joutes verbales endiablés, il est bon ton de provoquer publiquement son adversaire, de l’humilier et de le rabaisser plus bas que terre, même si ces pratiques vont à l’encontre même des principes et valeurs fondamentales du sport.

Après une décennie nineties plutôt prolifique pour lui, Wesley Snipes a créé sa propre société de production (Amen Ra Films) avec une myriade de titres dont les plus connus restent ceux de la saga Blade. L’acteur afro-américain se contentera d’un rôle secondaire, celui d’un mentor pour laisser l’occasion à une autre star de briller. Dean Cain, l’ancien Superman de la série Loïs & Clark, écumait alors les premiers rôles et apparitions dans des films d’action destinés aux étals des videostore. Ça du moins c’était avant que ce dernier ne se mette à charmer les ménagères dans les téléfilms de Noël pour arrondir ses fins de mois.
Dean Cain interprète une superstar qui a pris tellement de hauteur dans les grattes-ciels de la ville, qu’il ne sait même plus où il met les pieds. Il lui faudra donc naturellement recevoir une leçon d’humilité pour revenir plus fort. Sa rédemption, il la trouvera dans le contexte géopolitique particulièrement instable du pays occupant le background scénaristique du film. Le joueur devra donc combattre l’oppression nanarde en organisant un match d’exhibition entre les deux puissances mondiales, débiter de beaux discours inspirants, faire semblant d’être empathique avec les enfants et groupies qu’il n’hésite pas à dégager dès que la lumière n’est plus braquée sur lui, ou bien sauver des vies uniquement dans le but de gagner en notoriété et de reconquérir le cœur de son ex copine journaliste.
Révolution de pacotille
Le futur dépeint par Ernest Dickerson a tout du Blade Runner du pauvre : un ballon dirigeable affublé d’un écran géant exhorte les populations à consommer et des néons éclairent les quartiers ghettoïsés où l’on fait cuir le poulet à la broche à proximité des déchets et tas d’immondices. Futuresport se pare ainsi d’une critique acerbe sur l’individualisme forcené d’une société et des dérives engendrées par le consumérisme et le star-system.

Finalement, Ernest Dickerson va même a rebours de l’œuvre de Norman Jewison, faisant du combat d’un héros narcissique le creuset d’une union sacrée apparaissant carrément utopique, là où Rollerball, derrière ses apparats de grands trusts tout puissants, faisait remporter l’individualisme d’un homme sur un collectif indéboulonnable derrière lequel se réfugiaient une poignée de rupins despotiques.
Doté d’un budget d’à peine 9 millions de dollars (on est donc loin des 70 millions accordés à John Mctiernan pour son remake de Rollerball) Futuresport ne s’avère en revanche pas aussi efficace dans ses séquences d’action, épileptiques et bardées d’images de synthèse, ne permettant pas vraiment de saisir la violence des affrontements, la vitesse et l’euphorie galvanisante que pourraient refléter de tels enjeux sportifs et sociétaux. En 75, l’Amérique était en pleine mutation et connaissait de nombreux mouvements sociaux. À l’orée du nouveau millénaire les préoccupations sont davantage liées à l’utilisation des nouvelles technologies.
Mais la criminalité a également atteint des taux records dans certaines grandes villes du pays. De plus, les années 90 sont également celles de l’émergence de groupes terroristes. Comme dans le monde d’aujourd’hui, les enjeux politique majeurs vont donc se régler sur le terrain du sport (Les Coupes du Monde en Russie et au Qatar, les JO de Paris), puisqu’il suffit de gagner un match ou un tournoi pour faire oublier la guerre, le coût de la vie et la montée du fascisme. Ainsi, le match de gala opposera l’Amérique du Nord, camp du bien, libre et civilisé, et de l’autre le Commonwealth, dont l’équipe est constituée de païens, de tueurs sans pitié et de gueules cassées. Entre les deux, mon cœur balance.
Le réalisateur ne nous épargne pas le traditionnel chantage du Che Guevara haïtien (interprété par un blanc de bonne famille), qui tentera de contraindre notre champion d’arranger la rencontre en enlevant sa copine. Mais à la fin, les gentils occidentaux gagneront les doigts dans le nez avec grâce, panache et fair-play, tandis que les méchants n’auront plus qu’à se les carrer dans le cul en révisant leur jugement.