
Réalisateur : Mel Gibson
Année de Sortie : 2024
Origine : États-Unis
Genre : Huit-Clos Aérien
Durée : 1h31
Thibaud Savignol : 6/10
Sortie en salles : 22 janvier 2025
Ménage à trois
Il est loin le temps où la sortie d’un film de Mel Gibson était un événement. D’abord auréolé en tant qu’acteur suite au triomphe de Mad Max et surtout L’Arme fatale, faisant de lui l’une des stars les mieux payées d’Hollywood à la fin des années 80, il passe rapidement à la réalisation. Si son premier long-métrage, L’Homme sans visage passe relativement inaperçu en 1993, deux ans plus tard il convainc la presse et le public avec son monumental Braveheart. Chaque nouveau projet est dorénavant attendu au tournant, renouant avec un cinéma épique et viscéral.
Un retour inattendu
La polémique autour de La Passion du Christ en 2004, rattachée à ses propos antisémites un soir de beuverie (il s’excusera et entamera une cure), n’enlève rien à la puissance cinématographique des douze dernières heures du Christ. Tourné en latin, hébreu et araméen, c’est un carton planétaire, donnant au Mad Mel le champ libre pour ses futurs projets. Avec Apocalypto, il met en scène une odyssée barbare et véloce, d’une rage assez inouïe, avant de livrer sûrement l’un des films de guerre les plus traumatisants portés sur grand écran, Tu ne tueras point.
Neuf ans d’absence (une éternité à Hollywood), et une désignation comme espion au service de Donald Trump plus tard, le voici de retour aux manettes d’une série B plutôt cossue (26 millions de dollars). Depuis 2020 le scénario de Vol à haut risque fait partie de la fameuse Black List, regroupant les meilleurs scénarios en cours d’acquisition par un studio américain. Mel Gibson est annoncé à la barre en 2023, rejoint par Mark Wahlberg en tête d’affiche. Produit en toute discrétion, prévu fin 2024 avant d’être repoussé en ce début d’année, la promotion est quasi inexistante, le réalisateur à peine cité, et le long-métrage débarque un peu par hasard dans nos salles aujourd’hui.
L’US Marshals Madelyn Harris met la main sur le fugitif Winston au fin fond de l’Alaska. Chargée de l’escorter jusqu’à New-York afin qu’il témoigne contre un parrain de la mafia, l’urgence de la situation les oblige à emprunter un petit avion de plaisance. Le vieux coucou ne paye pas de mine et surtout, son pilote semble ne pas être l’homme qu’il prétend. De ce récit racé qui fleure bon l’actionner conceptuel à l’ancienne (impossible de ne pas penser à Piège de Cristal ou Speed), on retrouve le goût pour une typographie limitée, comme seul carcan des enjeux narratifs à venir.

Fly Hard, Die Hard
Disons le d’entrée, malgré le pur plaisir presque régressif que propose son visionnage, Vol à haut risque apparaît comme une anomalie dans la filmographie de Mel Gibson, avant tout composée de grandes fresques historiques, ultra-violentes et moralement marquées. On retrouve dans le dernier acte une scène d’auto-mutilation assez cradingue, qui dénote au sein d’une production plutôt lisse, mais loin de la fougue passée du réalisateur dorénavant septuagénaire. Peut-être la seule marque de fabrique reconnaissable, rappelant les tortures subies par William Wallace dans Braveheart ou celles de Jésus de Nazareth. Un projet qui sans ce nom reconnu, n’aurait peut-être pas eu les honneurs d’une sortie salles.
Pour autant, il est tout à fait possible de savourer pleinement ce huit-clos à 3 000 pieds. Si quelques effets numériques viennent agresser la rétine, à l’image de quelques fonds verts en altitude mais surtout ce plan large ignoble sur le tarmac en début de métrage, le huit-clos fonctionne à plein régime pendant plus d’une heure. S’inscrivant dans le temps réel (il reste 75 minutes de vol, tout comme il reste 75 minutes de visionnage au moment de l’annonce), et chaque action pouvant entraîner un crash mortel, la tension s’installe avant tout par le dialogue. Comme pour Oxygène ou Buried, c’est le contact avec l’extérieur qui permet d’en apprendre plus sur la situation présente, et ainsi de faire progresser le récit.
Peu à peu les révélations tombent, les rebondissements s’enchaînent, portés par un trio d’acteurs qui s’en donnent à cœur joie. Topher Grace en geek pleutre rappelle souvent l’inoubliable Eric de That 70s Show, Mark Wahlberg en fait des caisses en mercenaire détraqué sexuel (sa fascination pour les tétons renvoie à l’hilarante parodie de Mel Gibson dans South Park), mais la révélation vient de la britannique Michelle Dockery, qui campe une Marshals aussi implacable que fissurée. Si quelques respirations permettent de contempler les sublimes paysages enneigés qui défilent sous la carlingue, les échanges à couteaux tirés et le rythme sans temps mort achèvent de transformer Vol à haut risque en série B épurée et burnée, comme on en fait plus beaucoup aujourd’hui.