
Réalisateur : Juan Piquer Simon
Année de Sortie : 1982
Origine : États-Unis / Espagne / Porto Rico
Genre : Slasher À L’Italienne
Durée : 1h25
Thibaud Savignol : 6/10
Sortie en exclusivité sur Shadowz : 4 avril 2025
Campus en folie
Petit slasher culte des années 80, Le Sadique à la tronçonneuse est aujourd’hui un film difficile à se procurer. L’édition sortie par Uncut Movies dans les années 2000 est depuis longtemps écoulée, les revendeurs s’en donnant à cœur joie (comptez au minimum 40 euros pour mettre la main sur le dvd). Il existe bien de nouvelles parutions outre-manche, plus accessibles, mais tout le monde ne souhaite pas forcément regarder son film sous-titré en anglais. C’était sans compter sur la team Shadowz, toujours à même de ressortir des pépites oubliées, nous gratifiant aujourd’hui de ce sanglant Pieces.
Rassembler les pièces du puzzle
Car oui, le long-métrage a bénéficié de différents titres selon son pays d’exploitation. Si celui français surfe encore sur le succès de Massacre à la tronçonneuse, le tueur sait pourtant se munir d’autres ustensiles pour parvenir à ses fins. L’intitulé anglais souligne davantage le parallèle entre les victimes découpées en rondelles (pieces qu’on peut traduire par «morceaux») et le puzzle que constitue le tueur au fil des meurtres (littéralement les «pieces»). Et au milieu de tout ça, on assiste à la traque d’un maniaque qui sévit sur un campus universitaire, laissant dans son sillage pieds, mains et têtes tranchées.
Dès l’ouverture, Juan Piquer Simon ne compte pas esquiver ses références. Une mère autoritaire charcutée à la hache par un enfant de dix ans nous renvoie directement à l’omniprésent Halloween, où le jeune Michael assassinait d’entrée sa sœur aînée à l’aide d’un énorme couteau de cuisine. S’ensuit un générique quasi identique, où l’arme blanche a remplacé la citrouille, voyant les noms défiler religieusement, musique entêtante à l’appui.
La seconde séquence, quarante ans plus tard (chez Carpenter seules quinze années s’écoulent), greffe l’autre influence majeure du metteur en scène, à savoir le giallo, et notamment le grand Dario Argento. Un gros plan sur les mains gantées de noir d’un homme, en train de triturer le puzzle ensanglanté de son enfance et accompagné d’une ritournelle, renvoie directement aux Frissons de l’angoisse. La fétichisation du tueur tout autant que du corps féminin, associé au trauma infantile originel dresse un parallèle esthétique des plus troublants.

Les avancées de la psychanalyse dans les années 60 sur la place du refoulé ont grandement infusé tout un pan du cinéma transalpin des années 70. Thriller, horreur ou giallo tortueux, nombreux ont été les scénaristes à reprendre cette idée d’un mal enfoui qui conditionne une partie de nos actions futures, notre personnalité et nos émotions. On comprend ainsi ici rapidement que les morceaux collectés par le tueur sur chaque victime servent des dessins beaucoup plus sombres, à l’instar des scalps récoltés par ce fou furieux de Joe Spinell dans Maniac deux ans auparavant.
Barbaque
Le Sadique à la tronçonneuse s’amuse tout du long à marier son amour pour le slasher et les meurtres de jeunes décadentEs, à l’enquête giallesque traditionnelle (on pense pas mal au Ténèbres d’Argento sorti la même année). Les pérégrinations des deux inspecteurs (dont un Christopher George en fin de carrière) ont pourtant tendance à traîner un peu en longueur, surtout que rien de concret n’est vraiment entrepris. Ils se contentent de balancer une tennis-woman célèbre comme nouvelle prof de sport afin d’investiguer parmi les élèves et enseignants ; du 21 Jump Street avant l’heure. Un campus où se battent en duel nos cinq protagonistes principaux et quelques figurants chopés au vol.
Heureusement, la générosité du métrage rattrape ses carences narratives. Film d’exploitation à bas budget oblige, on ne nous a pas menti sur la marchandise. Plusieurs meurtres bien gratinés viennent régulièrement ponctuer le récit. Très sanglant, voire par moment carrément gore (la célèbre sportive découpée en deux dans les douches du vestiaire), Pieces propose un degré de violence assez rare encore au moment de sa sortie. S’appuyant sur quelques ralentis du plus bel effet (on pense encore à Argento et ses 4 mouches de velours gris), il satisfera aussi les quelques pervers du fond, grâce à sa pléthore de seins et de petits culs rebondis.
Citons également l’apparence plutôt original du tueur, sans masque, seulement vêtu d’un chapeau, d’un grand imper et de l’obscurité. Ce look très enquêteur de film noir des années 40-50 permet quelques plans aux lumières expressionnistes, tout en contraste et ombres chinoises.
Si elle accuse quelques temps faibles dans sa seconde partie, l’œuvre bénéficie d’un dernier acte rondement mené. Un climax en huit clos anxiogène vient conclure cette affaire, jusqu’aux derniers plans qui explicitent le trauma originel ; on peut y déceler un rapport à la mère, et par conséquent à la gente féminine en générale, mortifère. La dernière image viendra quant à elle illustrer frontalement la castration maternelle, comme malédiction d’un homme trop longtemps resté prisonnier de ses pulsions enfouies : le sexe, les femmes et les puzzles.