
Réalisateur : Scott Spiegel
Année de Sortie : 1989
Origine : États-Unis
Genre : Tueur Sanguinaire
Durée : 1h23
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 4/10
Sortie DVD/Blu-ray ESC : 9 avril 2025
Rupture peu Conventionnelle
Plus connu outre atlantique, Intruder est un pur produit signé de la bande à Sam Raimi. Extrait de l’ornière de son relatif anonymat, le film de Scott Spiegel avait surtout le tort de sortir au plein creux de la vague du slasher et de souffrir d’une distribution relativement anecdotique. Souhaitant conserver son image de marque, Charles Band produisait des films à la chaîne pour des enveloppes dérisoires sous son label Beyond Infinity. L’ironie du sort veut que certains de ces films d’exploitation furent meilleurs que ceux qu’il sortait avec Empire Pictures alors en pleine faillite financière. Le scénario n’en est donc que plus à propos, avec son magasin discount en passe de fermer définitivement.
Le film fut tourné au sein d’un véritable supermarché, durant deux semaines la nuit tombée, avec des vieux stocks de bobines 35 mm périmées. Les acteurs se contentaient de garnir les étals de produits défectueux vendus au kilo sous l’objectif du réalisateur. Les événements se déroulent quant à eux en une seule unité de lieu et de temps. Les employés d’un magasin s’affairent sans se douter que cette soirée sera leur dernière, pendant qu’un tueur s’immisce à l’intérieur de l’enceinte et se met à les massacrer les uns après les autres. Basique, simple.
D’un strict point de vue formel, l’influence de l’ami Sam Raimi est totalement manifeste dans le soin accordé à l’image, avec ces prises de vues originales (dans un caddy, une poubelle, un cadran téléphonique), contre-plongées, travellings, décadrages et mouvements ostentatoires. Ces choix de mise en scène permettent de briser la monotonie de cette intrigue digne d’un emploi de veilleur de nuit. Pour palier à une cruelle absence de moyen, le cinéaste sait profiter des particularités de son environnement (vestibule, entrepôt, boucherie, rayons, bureaux) afin d’insuffler une atmosphère pernicieuse et délétère, comme-ci une menace pesait sur l’ensemble du casting, prête à jaillir à tout moment de l’obscurité.

Lent dans sa construction et ses déambulations nocturnes, Scott Spiegel s’emploie à reproduire les codes du giallo (nombreuses vues subjectives, jeux d’ombres et de lumières, meurtres sadiques et crapoteux) avant d’embrasser les conventions propres au slasher américain. S’il cherche d’abord à brouiller les pistes en masquant volontairement l’identité du tueur, le fait est que son intrigue ne fera plus aucun mystère une fois celle-ci en total roue libre et à visage découvert. Intruder s’élève alors en fable sociale féroce, opposant cols bleus et cols blancs, dans une lutte sans merci, où il sera d’avantage question de frustration et de folie meurtrière que de pulsions sexuelles refoulées ou de misanthropie exacerbée. La rancœur et l’amertume nourrissent alors les pires intentions, rompant les liens au travail de manière peu conventionnelle, il faut bien le souligner.
Le talent du trio KNB (Robert Kurtzman, Greg Nicoreto, Howard Berger) s’exprime notamment à travers des mises à mort d’une extrême brutalité (meurtre à l’arme blanche, démembrement, décapitation). Le sang coule à flot. On tranche les visages et les têtes comme l’on découpe les pastèques. À toute fin utile, les outils de travail sont évidemment pervertis de leurs utilisations premières (compacteur, hachoir à viande, couteau de cuisine, crochet de boucher, scie mécanique, pic à facture).
Ces effets et séquences chocs placent d’emblée Intruder dans la catégorie des films extrêmes réservés à un public averti. Scott Spiegel se liera plus tard d’amitié avec un certain Quentin Tarantino qu’il introduira auprès du producteur Lawrence Bender (faisant une courte apparition en tenue d‘officier au côté d’un certain Bruce Campbell dans l’épilogue). Le cinéaste lui renverra d’ailleurs l’ascenseur quelques années plus tard en offrant à Spiegel l’opportunité de réaliser Une Nuit en Enfer 2 ainsi que Hostel Chapitre III.