
Réalisateur : Bernie Bonvoisin
Année de Sortie : 2002
Origine : France
Genre : Relecture Historique Déjantée
Durée : 1h34
Thibaud Savignol : 7/10
L’Histoire avec un grand doigt
Au début des années 2000 souffle un vent de fraîcheur sur le cinéma hexagonal. Si régulièrement des tentatives plus (Baby Blood, Les Raisins de la Mort) ou moins (Devil Story) réussies ont eu lieu, jamais de réel mouvement n’a émergé des flots horrifiques. Grâce au succès du Pacte des Loups en 2001, les producteurs se montrent moins frileux et osent enfin s’aventurer sur des terres plus controversées. Les productions Bee Movies, en quelques années et malgré un résultat plutôt mitigé (Bloody Mallory le nanar attachant ou Promenons-nous dans les bois un slasher un peu mou du genou), permettront l’explosion des célèbres French Freyeurs quelques années plus tard.
« Fais toi une suée, va chercher le charpentier »
Alors qu’Europa Corp (Leeloo Productions jusqu’en 2001) prend du galon depuis quelques années (Taxi, Jeanne d’Arc), Philippe Rousselet et sa société Suane souhaitent dépoussiérer le film de cape et d’épée à l’ancienne. Une vraie prise de risque à saluer, avec des moyens à la hauteur des ambitions. Le script de Bernie Bonvoisin (oui, le chanteur de Trust) est validé, sûrement aidé par ses Démons de Jésus qui ont fait forte impression en 1997. 14 millions d’euros, les paysages grandioses des Cévennes, un cinémascope de toute beauté et un casting mirifique (Rochefort, Bouquet, Garcia, De Caunes ou encore Depardieu), promettent de transformer Blanche en fresque épique. La réussite sera pourtant ailleurs.
On peut même se demander comment un projet aussi casse-gueule sur la papier a pu être financé de la sorte. Au 17e siècle, Blanche assiste à l’exécution de ses parents par le chef des Escadrons de la mort, le capitaine KKK (prononcez KéKéKé), commandés par Mazarin. Quinze ans plus tard, sa rencontre avec L’Étranger et son plan d’attaquer la diligence du bras droit de Louis XIV, vont enfin lui permettre d’assouvir sa vengeance. Mais derrière ce script typé revenge-movie, se cache la volonté de jouer avec les codes du genre, tout en s’appuyant sur une verve ciselée dans la veine d’un Michel Audiard, pour livrer un déluge de dialogues décapants.

Le film pourra paraître très (trop?) écrit pour certains, mais ce serait passé à côté d’une pluie de joutes verbales affûtées comme des rasoirs, où s’enchaînent punchlines, rimes et grivoiseries. Si l’interprétation de Lou Doillon en Blanche vengeresse souffle le chaud et le froid, le reste du casting s’en donne à cœur joie. Tous ont l’air d’avoir pris un plaisir régressif assumé lors du tournage, composant des personnages barrés et hauts en couleurs. Le duo Garcia/Bouquet (Louis XIV/Anne d’Autriche), à la relation mère/fils chaotique, atteint son paroxysme lors de la réception du Duc de Bretagne, où les effets de la drogue transforment un échange courtois en décadence meurtrière sur fond de techno-rock. Une séquence hallucinée, qui annonce presque les fresques Tarantinesques à venir, réécrivant l’Histoire tels des sales gosses.
« Je brille, contentez-vous de bronzer ! »
Mais on retiendra surtout la performance XXL d’un Jean Rochefort en maîtrise totale de son sur-jeu. Il en fait des caisses, mais juste comme il faut pour composer un Cardinal véreux et sans pitié, siphonné du bulbe, près à toutes les ignominies pour conserver son pouvoir auprès du roi. Comme Mazarin le déclare lui-même, «un pouvoir tel, que je pourrais faire basculer la Suisse dans le tiers-monde». Réplique cinglante, illustration de l’esprit punk et iconoclaste du metteur en scène. Ce qui rend d’autant plus fâcheux les problèmes de diction de certains comédiens ou le mixage des dialogues parfois aux fraises, empêchant d’apprécier certaines répliques à leur juste valeur.
Alors oui, bien que les chevauchés sauvages soient des plus réussies, la mise en scène manque parfois de souffle lors des séquences d’action. On note également un script à la ligne claire qui accuse quelques baisses de régime dues aux nombreux personnages et sous-intrigues à traiter. En 2017 Bernie Bonvoisin a d’ailleurs regretté l’interventionnisme étouffant d’un Luc Besson lors du montage, ayant selon lui directement impacté le rythme et la cohérence de certains dialogues.
Mais impossible de bouder son plaisir face à un spectacle d’une telle générosité, qui sort des carcans des productions habituelles. Clairement influencé par le Pacte des Loups quant au mélange des genres, mixant ici le film historique au western, à la bouffonnerie et au narcos (le cartel colombien anachronique), Blanche brise les représentations poussiéreuses des livres d’Histoire pour délivrer une farce violente et jouissive, à mille lieues des Secrets d’Histoire de notre Stéphane Bern national.
Ce ne sera certes pas au goût tout le monde, mais pour qui apprécie l’absurde, l’outrance et l’extravagance (on est sur L’Écran Barge on rappelle), voilà un petit euro bien investi au détour d’une brocante ou d’un passage chez Cash Express.