[Critique] – Ghosts of Mars


Ghosts of Mars affiche film

Réalisateur : John Carpenter

Année de Sortie : 2001

Origine : États-Unis

Genre : Invasion Martienne

Durée : 1h38

Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 3/10

Sortie sur Shadowz : 18 avril 2025


The Last Frontier


Passé un certain âge, on ne se refait plus. Et ce n’est certainement pas John Carpenter, la cinquantaine passée, qui allait se réinventer sur le plan artistique à l’aube du nouveau millénaire. Le cinéaste abordait les années 2000 par le même bout qu’il les avait quittées, continuant sa traversée du désert en cowboy solitaire, franc-tireur anti-institutionnel. Après avoir conquis le monde de la série B, il ne restait plus beaucoup d’horizons vers lesquels se tourner. De la Terre à la planète Mars il n’y avait qu’un genre que le réalisateur allait franchir allègrement pour y implanter son chemin de fer et franchir l’ultime frontière.

Le Solitaire

En choisissant d’invoquer une dernière fois les figures mythologiques du western comme autant de spectres d’un passé lointain, Big John tire là son ultime révérence. En ne comptant pas son anecdotique retour de nul part (The Ward), et ses deux épisodes pour l’anthologie des Masters of Horror (La Fin Absolue du Monde, Piégée à l’intérieur), Ghosts of Mars constitue bel et bien le feu d’artifice testamentaire d’une prolifique carrière.

Nous voilà donc partis en direction des contrées arides et sauvages de la planète rouge, peuplée de colonies minières, de shérifs, de bandits et de foies jaunes. Le décor convoque irrémédiablement celui d’un western, et le réalisateur sait comment infuser une atmosphère crépusculaire à ces canyons ocres baignés par l’obscurité. Le patriarcat a été abandonné au profit d’un matriarcat tout aussi totalitaire. Plus les choses changent, plus elles restent les mêmes.

Ghosts of Mars ne sera donc qu’un décalque de ses films précédents, mêlant ambiance horrifique et parano, état de siège, et coalition contrainte et forcée entre protagonistes dans un décor de plus en plus exigu. Il sera une nouvelle fois question d’un mal ancestral matérialisé par un mystérieux brouillard se diffusant dans le cadre de son cinémascope. Cette essence insidieuse remontant aux origines de la planète rouge va contaminer une communauté de colons. La possession des corps répondra donc à l’appropriation sauvage des terres. Et c’est à un petit contingent de flics et de criminels sous bonne garde que reviendra l’honneur de combattre cette invasion issue des profondeurs. 

Ghosts of Mars Critique film

Dans ce jeu de chaise musical, «Desolation» Williams (Ice Cube tout en cabotinage) succède à ses prédécesseurs Snake Plissken et Napoléon Wilson dans le rôle du dur à cuir taciturne, accusé à tort d’un crime qu’il n’a pas commis. Tel l’alter égo du cinéaste, ce personnage ne croit plus en l’ordre ou la justice, agissant par pur instinct de préservation. La vedette lui sera néanmoins volée par une femme : le lieutenant Ballard (Natasha Henstridge). L’actrice souffrait d’un état de burn-out après avoir enchaîné deux tournages consécutifs, d’où un certain détachement de sa part. 

Big John va donc nous dérouler l’habituel programme avant de céder au spectaculaire à grand renfort d’effets gores, d’explosions, de fusillades, et de bastons au corps à corps. Les outils grammaticaux du cinéaste serviront de catalyseur à une nouvelle forme de terreur, avant de dériver vers un actionner bourrin et décomplexé, pêchant par ses nombreux artifices (effets pyrotechniques, ralentis plus balourds que stylisés, ainsi qu’une composition métal plus beauf qu’appropriée). La volonté de vouloir moderniser son approche sur le plan formel est notable, mais le film porte la signature de l’artiste et l’intrigue reste rivée à ses tics de mise en scène. 

La Der des Ders

Afin d’occulter le classicisme de son scénario, Carpenter opère pour une narration éclatée reprenant plus ou moins la forme de Rashomon et sa structure procédurale. Nous assisterons donc à de nombreux flash-back épousant les points de vue des différents protagonistes. Ces séquences resteront néanmoins conditionnées par le récit qu’en fera son personnage principal, et altérées par une consommation immodérée de psychotropes hallucinogènes. 

Le montage elliptique donne parfois cette impression d’assister à un mauvais rêve ou à une illusion de la réalité, comme cette vision du mal se diffusant par l’intermédiaire d’une vue subjective filant sa proie. D’autres scènes paraissent néanmoins plus bâclées comme le révèle son réalisateur en aparté, davantage préoccupé par ses matchs de basket à la télévision que par le bon déroulement de ses prises de vues.

Ghosts of Mars Critique film

Évidemment l’échec critique et financier du film n’est pas à aller chercher bien loin : des autochtones au cosplay raté qui bondissent et s’agitent comme des mongoliens. L’antagoniste ressemble davantage à un hard-rockeur sous LSD qu’à un véritable démon écorché vif, beuglant un charabia incompréhensible en brandissant son épée vers le ciel. John Carpenter n’a pas peur du ridicule et se rend coupable de plusieurs fautes de goût d’un kitsh visiblement assumé, jusque dans son iconisation à outrance. 

Que l’on aime ou pas, ces choix donnent à cette série B budgétée à 28 millions de dollars des airs de nanar d’ampleur cosmique. En soi il n’est pas étonnant que Ghosts of Mars puisse posséder autant de détracteurs que de fervents fidèles. Il reste assez difficile d’y apporter des arguments, surtout quand le réalisateur se complaît lui-même à le qualifier de “pire film de sa carrière” sur le plateau. 

Cette prise de position reflète bien le degré de cynisme affiché par John Carpenter, éclatant lors de certaines situations plus parodiques qu’horrifiques (les décapitations et démembrements), et excès potaches (l’un des gros bras se tranche un doigt en voulant faire le malin). Finalement, le plus gros reproche que l’on pourra lui adresser sera certainement d’avoir voulu produire un film autoréférentiel (3 From Hell de Rob Zombie souffrira de ce même constat à un degré de ratage bien plus alarmant), plus qu’une véritable fresque science-fictionnelle. Mais cela ne doit pas vous empêcher d’apprécier ce dernier coup d’éclat, fusse-t-il risible pour certains. 

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