[Critique] – Ab-Normal Beauty


Ab-Normal Beauty affiche film

Réalisateur : Oxide Pang

Année de Sortie : 2004

Origine : Hong-Kong

Genre : Photographe Obsessionnelle

Durée : 1h41

Thibaud Savignol : 4/10


Le petit oiseau mort va sortir


On l’a tous déjà fait. Que ce soit quand une bagarre éclate dans la cour du collège ou lorsque l’on est pris dans un ralentissement suite à un accident, on a tous couru ou ralenti pour assister au spectacle de violence et de mort. Une pulsion morbide, voyeuriste, qui loin d’être honteuse, cherche à nous rapprocher un peu plus de notre propre inéluctabilité. Nous ne sommes pas sur Terre pour être éternels, et l’étape suivante nous fascine autant qu’elle nous révulse. De ce postulat propre à chacun, les frères Pang (les deux à la prod, un seul à la réa pour la première fois) tirent un conte morbide sur l’appétence irrésistible envers la grande faucheuse.

En manque de sensations

Jiney, étudiante en arts plastiques, en plus d’être l’une des peintres les plus douées de sa classe, affiche également un don inné pour la photographie. Le problème, c’est qu’elle n’y prend aucun plaisir, lassée des sempiternels mêmes sujets à illustrer. Jusqu’au jour où, témoin d’un accident de la route, elle décide de saisir le dernier souffle de la victime. Se met alors en route une spirale obsessionnelle pour l’art de la mort sur photogramme, dans laquelle elle entraîne sa meilleure amie.

Si on pense aux Mondo Movies et leur représentation sensationnaliste de la mort, Ab-Normal Beauty n’est pas sans rappeler les travaux de Tsurisaki Kiyotaka. Son documentaire Orzoco el embalsamador, sur le quotidien véridique d’un embaumeur avait retourné pas mal d’estomacs. Jiney s’inscrit dans son héritage, à la recherche de l’image qui répondra à nos grandes interrogations sur cette fameuse inconnue. Le problème, c’est que dévorer par sa nouvelle lubie, elle se décide à mettre elle-même en scène les sujets de ses illustrations.

La première partie du long-métrage verra ainsi son héroïne chuter sans fin vers une obsession toujours plus mortifère. Elle demandera à un cuisinier de rue de décapiter des poulets selon ses indications, quand elle ne prendra pas carrément en photo une suicidée fraîchement déposée sur le bitume. Elle-même sujette à ses propres pulsions autodestructrices, elle rappelle par instants les personnages à vif du Crash de Cronenberg, cherchant et trouvant l’excitation ultime de vie en frôlant la mort. Elle ira jusqu’à reproduire de potentiels meurtres sur ses proches ou avec des inconnus, toujours à deux doigts d’asséner le coup fatal.

Ab-Normal Beauty Critique Film Oxide Pang

Un bon court-métrage

C’est d’ailleurs du monde de la musique que proviennent les deux actrices, Race et Rosane Wong du groupe 2R. Deux chanteuses pop populaires à Hong-Kong, sœurs à la ville, désormais lancées en tant que comédiennes. Antipathiques, froides et au jeu pas très subtil, difficile de ressentir quelconque empathie à leur égard. Race a beau affirmer en interview avoir visionné pas mal de films pour construire son jeu, la route est encore longue. Mais si la première heure suscite un intérêt certain, malgré un sujet loin d’être aussi original que le prétend Oxide Pang (la pulsion scopique évoque le De Palma des grandes heures), le fragile château de cartes s’effondre dès la seconde partie.

Pour illustrer la miraculeuse guérison de la protagoniste, Oxide Pang ancien publiciste, nous assène une scène de petit-déjeuner au ridicule consumé, plus proche du 99 francs de Kounen que du luxe aseptisé souhaité. Bascule inattendue au vu du potentiel scénaristique, l’héroïne est désormais prise en chasse par un pervers sadique. Elle reçoit des cassettes où des individus sont torturés dans une volonté de capturer leur dernier instant parmi nous. Ab-Normal Beauty vire alors au thriller shock générique, loin des aspérités thématiques esquissées.

Si seulement 10 mois séparent les deux œuvres, il est difficile de penser que les frères Pang n’ont pas lourdement zieuté sur le Saw de James Wan. L’esthétique verdâtre criarde assimilée aux tortures et à un montage très cut accusent le coup. Sans oublier un twist final inutile, aussi surprenant que fatalement évident. Boursouflé, en panne d’inspiration et victime d’un dernier acte complètement à côté de la plaque, la tentative solo d’Oxide Pang vire à la sortie de piste non maîtrisée. Contentez-vous de contempler le chat crevé au fond de votre jardin, l’expérience se révélera bien plus traumatisante.

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