Réalisateur : Stuart Gordon
Année de Sortie : 1989
Origine : États-Unis
Genre : Science-Fiction
Durée : 1h25
Le Roy du Bis : 8/10
Thibaud Savignol : 6/10
Le Vent d’Orient
C’est tout de même paradoxal de dire d’un film réalisé en stop-motion qu’il était peut-être trop en avance sur son temps. Stuart Gordon avait senti le vent d’Orient venir avec cette vague de l’animation nippone mettant aux prises des méchas et robots géants. Charles Band sera d’abord réticent à l’idée de son meilleur artisan, mais il acceptera finalement de produire le film et de lui confier le plus gros budget alloué à l’une de ses productions, soit 6 millions. Pour quelqu’un d’aussi radin, on peut véritablement parler de blockbuster maison. Mais avant de banquer, ce dernier chargera son animateur David Allen de lui livrer une bande démo afin de pouvoir convaincre et attirer d’autres investisseurs sur le projet. La réussite sera telle que cet extrait sera conservé et incorporé à l’introduction, tandis que le scénario sera écrit par Joe Haldeman, lauréat de plusieurs prix littéraires, participant à créer une synergie des meilleurs talents possibles au sein de la firme.
Mais l’histoire va tourner court suite à une brouille entre réalisateur et scénariste, pour cause de différent artistique. Joe Haldelman imagine une véritable fresque science-fictionnelle reprenant le mythe de l’Illiade, auquel il glisse une violente charge critique contre les politiques militaristes, un peu à l’image de son éminent roman La Guerre Eternelle, que l’on aurait d’ailleurs rêvé voir adaptée sur grand écran. Gordon lui, mise d’avantage sur l’entertainment à même de divertir toute la famille et de faire des recettes, sans oublier quelques saillies satiriques, un peu à l’instar de ce que fera Paul Verhoeven avec Robocop et Total Recall.
De ces deux visions, c’est naturellement celle du second qui prévaudra pour cause d’intérêt et d’une confiance absolue accordée suite à la réussite de ses précédents travaux (Re-Animator, From Beyond, Dolls). Suite à ce divorce, Empire Pictures va perdre une partie de ses partenaires financiers, obligeant Charles Band à remettre la main au bassinet d’autant qu’il n’avait pas anticipé l’inflation, faisant grimper l’enveloppe à 10 millions. Et comme si cela ne suffisait pas déjà, la météo s’y mêle également. Les délais de production sont rallongés, ce qui occasionnera la banqueroute du studio qui ne s’en relèvera pas. Le film va donc mettre plusieurs années avant de trouver le chemin des salles de cinéma après être passé entre les mains de plusieurs sociétés.
À sa sortie en 1990, le film va néanmoins se coltiner de gros gadins, et se verra affublé d’une réputation ringarde, à l’heure des nouvelles technologies et effets spéciaux en image de synthèse. Si il occulte des aspects considérés comme «politiquement incorrect», Robot Jox conserve néanmoins une portée assez critique et évoque des sujets comme le contrôle des foules par le biais d’un sport fédérateur qui galvanise les gens, la procréation de bébés éprouvettes ou bien encore l’émancipation des femmes à travers à un portrait de société sclérosé par un vieux patriarcat, qui les condamne à transgresser les «règles» pour exister.
Le récit met donc aux prises deux blocs : le marché qui représente l’Occident et le libéralisme yankee face à la confédération, soit l’ex-Union Soviétique ennemi du monde «libre» et souverain. Et pour éviter que les querelles politiques ne dégénèrent encore en un nouveau conflit nucléaire, il convient désormais de régler les différents dans l’arène. Apparaît alors un théâtre de combats spectaculaires entre des robots géants manipulés par des pilotes dans leur cockpit, qui se balancent missiles, lasers, bourre-pifs et balistiques en tout genre dans la gueule afin de divertir la plèbe. Celle-ci ne vit que par ces jeux du cirque 2.0 et mise tout son argent en même temps que son avenir sur les paris que le sport génère. Le prochain match sera d’ailleurs déterminant pour le contrôle du territoire de l’Alaska que les deux nations convoitent pour ses richesses et ressources naturelles.
Achille de son côté est le Schumacher des «Robot Jox », il n’a jamais connu la défaite, ce mot ne fait même pas partie de son vocabulaire, tandis qu’il prépare son dixième et ultime combat contractuel. En cas de victoire face à son éternel rival Alexandre, il égalerait le record de son coach Tex Conway. Mais la lutte va très mal tourner puisque les combattants vont s’affaler sur l’une des tribunes provoquant des centaines de morts. Match nul est donné mais n’arrange aucun des deux camps. Les deux rivaux devront alors organiser la revanche. Mais Achille frappé par le doute de s’être vu vaciller en cours de combat, certainement plus que par le sentiment de culpabilité ressenti par la catastrophe engendrée, préférera raccrocher les gants et laisser le champ libre à une nouvelle génération de pilotes issus de la création génétique.
De tous les personnages présentés, c’est bien celui de la «Gen Jox» Athena qui sera finalement le plus intéressant, sa trajectoire étant assez porteuse d’espoir malgré les difficultés de s’imposer dans un monde majoritairement dominé par les hommes. Il lui faudra symboliquement se hisser au sommet d’une tour d’obstacle puis de se retrouver la cible de vives critiques et d’une foule capricieuse, avant d’être torpillée par les siens au court d’un combat où elle prouvera que les femmes peuvent bien être l’égal des hommes. Cela aura évidemment pour but de remettre Achille sur le devant de la scène, qui va donc renfiler les gants, et de surcroît le collant, pour nous gratifier d’un dernier combat épique au résultat incertain. Qu’en sera t-il des relations entre les deux grandes puissances et de la place des mutants dans cette société ? Nul ne saurait répondre, si ce n’est vous dire et de manière virile : CRASH AND BURN !
Trop sage pour rivaliser avec les meilleurs, pas assez violent et provocateur, Robot Jox dégage un charme vintage grâce à ses effets pratiques et sa peinture d’un univers dystopique. Certains environnements et décors évoquent parfois le futur Starship Troopers de Paul Verhoeven. En outre, le film bénéficie également de superbes séquences réalisées en stop-motion par le regretté David Allen, fidèle animateur du studio qui continuera de travailler durant quelques années avec Charles Band. Qui des ruines de Empire fondera la Full Moon Features et produira deux «suites» se déroulant plus ou moins dans le même univers : Crash and Burn et Robot Wars.
Après avoir renoncé à réaliser lui-même Maman j’ai rétréci les gosses, Stuart Gordon fera deux nouvelles incursions dans la science-fiction avec Fortress et Space Truckers, entrecoupées de productions pour la Full Moon : The Pit and the Pendulum et Castle Freak, une adaptation Lovecraftienne de plus à mettre à son actif. Le réalisateur confiera bien avoir eu l’idée d’une suite dans laquelle Achille et Alexandre auraient combattus ensemble contre une invasion extra-terrestre, mais c’est finalement Guillermo Del Toro qui développera cette idée dans Pacific Rim, sans oublier d’adresser quelques clins d’œil à son homologue. Vingt ans après, le vent d’Orient aura donc bien fini par passer les frontières de l’Occident. Finalement, le réel tort de Robot Jox aura peut-être été d’avoir voulu se faire aussi gros que ses robots.