
Réalisateur : Stuart Gordon
Année de Sortie : 1996
Origine : États-Unis / Royaume-Uni / Irlande
Genre : Science-Fiction Routière
Durée : 1h35
Le Roy du Bis : 7,5/10
Thibaud Savignol : 5/10
Suce ma Bud !
Fraîchement accueilli par la critique lors de sa sortie, Space Truckers confirmait pourtant tout le talent de son réalisateur, dans l’ombre d’un certain Paul Verhoeven. Moins subtiles, ses films (Re-Animator, From Beyond, The Pit and the Pendulum) se complaisaient dans les excentricités, le gore et l’érotisme propre au monde de la série B. Si le réalisateur américain n’a jamais possédé les velléités politiques du hollandais violent, les deux cinéastes n’en partagent pas moins des motifs et thématiques artistiques communes, au point de s’inspirer l’un comme l’autre dans l’élaboration de leurs fresques science-fictionnelles.
Fresque Politisée
Permissif, le cinéma de Gordon était aux antipodes des modes et technologies de l’époque (Dolls ou Robot Jox abondaient d’effets en Stop-Motion). S’accordant à la verve satirique et critique de son scénariste Joe Haldeman (La Guerre Éternelle), Robot Jox dressait le portrait d’un futur totalitariste et dystopique. La direction artistique de ce film de robots géants trouve quelques similitudes avec celle va-en-guerre et impérialiste de Starship Troopers.
Tourné en Irlande pour 25 millions de dollars, Space Truckers est donc le film de tous les excès, et encore, puisque nous avons échappé à un équipage de pirates lesbiennes affublées d’un vaisseau rose bonbon. L’histoire relate le quotidien d’un camionneur de l’espace indépendant qui, en acceptant de transporter une cargaison sensible, va se retrouver aux prises d’un dangereux groupe de pirates, avant d’être mêlé à un complot visant à prendre le contrôle de la planète Terre.

Dans sa note d’intention, Gordon semblait vouloir élaborer un space-opéra satirique, montrant le prolongement du capitalisme sauvage au-delà des frontières de la Terre. Dès l’introduction, le cinéaste érige une station orbitale entièrement dévolue à la société de consommation, bardée d’affichages et de spots publicitaires. Plutôt que de s’appesantir dans une représentation réaliste et froide de la conquête spatiale, le réalisateur s’en éloigne pour livrer le parfait guide du routard, via un pastiche extravagant et coloré d’un kitsch total évoquant le décor de la cité martienne de Total Recall.
Space Opéra sous acide
Tout le film est un véritable melting-pot de références bien agencées et d’influence diverses et variées (les vaisseaux inspirés d’Albator et de Galaxy Express 999, les robots biomécanique conceptualisés par Hajime Sorayama), mariant le monde des gros bras de la logistique et de ses spécificités (resto routiers, la customisation des tracteurs routiers souvent ringardes) aux arts populaires américains hérités de la route 66 et du Rock’n Roll (les affichages publicitaires et décors rutilants, musique country et autres excentricités propice au mauvais goût).
Le sujet semblait en tout cas idéal à exploiter dans le cadre d’un film de science-fiction, et ne pouvait que passionner son principal interprète Dennis Hopper, qui avait livré l’un des meilleurs road-movie de sa génération avec Easy Rider. En l’espace d’une heure et demie, Gordon livre un space opera sous acide enchaînant les situations cocasses et excessives avec beaucoup d’humour : le déshabillage dans le cockpit du Pachyderme, le cyborg qui peine à faire fonctionner son robot-bite. Les personnages sont caractérisés à l’excès et affublés de costumes ridicules aux couleurs criardes. Les effets gores confectionnés par Screaming Mad George témoignent de l’outrecuidance la plus totale.
Faute de goût assumée, Stuart Gordon se lâche et s’épanouit en marge des représentations science-fictionnelles de cette même décennie, quitte à faire vaciller totalement la crédibilité de cette entreprise. Sur le plan de la mise en scène, le réalisateur s’autorise quelques prises de vue aériennes et décadrages ambitieux, plutôt raccords avec l’absence de gravité terrestre. Ces excès humoristiques souvent absurdes et potaches sont à mettre au crédit de l’échec critique et financier du long-métrage, tendant vers une forme de nanar d’ampleur cosmique. Intègre jusqu’au bout, Gordon ne déviera jamais de sa trajectoire, conservant son indépendance tout au long de sa carrière, même si cela lui aura certainement coûté sa réputation aux yeux de l’industrie.



