Réalisateur : David W.Allen
Année de Sortie : 1999
Origine : États-Unis
Genre : Aventure En Stop Motion
Durée : 1h30
Le Roy du Bis : 8/10
La Huitième Merveille de la Full Moon
La Stop motion revient à la mode dans le cinéma d’animation ces jours-ci. Cette technique vieille comme le 7ème art apporte du volume, des créatures tangibles, organiques et palpables, à la différence des CGI qui vieillissent instantanément. Le retour à l’artisanat répond à une forme de lassitude provoquée par un trop plein d’univers fades et standardisés. Le public, toujours en quête de nouveautés veut quelque chose qu’il n’a jamais vu, et en cela la stop motion est la meilleure alternative à leur offrir. D’ailleurs son succès ne désemplit pas. Récemment nous avons eu droit à un combat de titans dans le genre entre Takahide Hori (Junk Head) et Phil Tippett (Mad God).
Mais il se pourrait bien que ce soit un autre grand nom revenu de l’au-delà qui finissent par les enterrer tous les deux : David Allen, l’animateur vedette de la Full Moon Features décédé en 1999 des suites d’un cancer, ancien disciple du maître incontesté Ray Harryhausen. Il aura fallu pas moins de 50 ans pour que The Primevals daigne enfin se dévoiler grâce à l’intervention de son ami Chris Endicott et de son équipe d’artistes dévoués, qui ont pu parachever les effets spéciaux grâce à une campagne de crownfunding et ce malgré la perte d’une partie des négatifs originaux. Le film aura coûté pas moins de 4 millions dollars, et peut se targuer d’être la production la plus ambitieuse du studio depuis sa création et accessoirement l’une de ses meilleures. On ne pouvait décemment rêver meilleur hommage surtout pour un homme qui a voué une grande partie de sa carrière à sauver les films de son producteur du ratage.
Les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois en 1977 au temps d’Empire Pictures lorsque l’animateur avait été recruté pour effectuer les effets spéciaux du film Laserblast. C’est à cette époque qu’il lui remit le scénario de The Primevals entre les mains, mais Band avait une manière bien à lui de produire ses films, sur un rythme métronomique, un peu à la manière de Roger Corman : vite fait, bien fait. Charles Band en bon menteur lui assura néanmoins qu’il lui financerait le budget un jour en l’échange de son savoir-faire. David Allen ne lâcha jamais l’affaire, au point de souler son interlocuteur à chaque nouveau projet auquel il contribuait. La situation s’est finalement débloquée en 1993 lorsque la Full Moon s’est retrouvée distribuée par la Paramount. Tous les feux étaient donc au vert. Le film fut tourné dans la foulée en Roumanie durant l’été 1994 ainsi que dans les Dolomites au Nord-Est de l’Italie.
Cependant, la conception des effets spéciaux nécessita beaucoup plus de temps que prévu. Malheureusement, le réalisateur mourut avant de pouvoir achever la post-production. Pour ne rien arranger, le studio rencontra des difficultés financières en raison de la perte de son contrat de distribution et The Primevals fut donc rangé sur une étagère et pris la poussière pendant 30 ans. Si le film était sorti à l’époque, nul doute qu’il aurait certainement laissé le public totalement indifférent. Mais en 2024, et alors que la stop-motion trouve un second souffle dans l’industrie du 7ème art, il est clair qu’il devrait réussir à marquer de son empreinte les cinéphiles et à initier un nouvel âge d’or pour le studio. C’est du moins ce qu’on lui souhaite.
C’est dans les hauteurs de l’Himalaya que le mythe autour du yéti est né, et c’est de ce postulat que part l’histoire de The Primevals. Une créature anthropomorphe va se mettre à terroriser toute une tribu de sherpas qui finiront par avoir sa peau. La dépouille sera alors envoyée aux États-Unis pour y être exposée comme la huitième merveille du monde. Mais son autopsie révélera des traces de chirurgie cérébrale qui laisse penser à des expérimentations. Une expédition sera alors menée par le docteure Claire Collier et son acolyte scientifique Matthew Connor afin de lever le mystère autour de cette nouvelle espèce. Leurs découvertes seront pour le moins étonnantes, et le spectateur de découvrir une cité cyclopéenne, une civilisation reptilienne et une vallée verdoyante nichéees en plein cœur de ces montagnes de glace.
On est clairement dans l’héritage du cinéma de Ray Harryhausen, mais aussi du King Kong de Merian Cooper et Ernest Schoedsack, marié aux influences littéraires des voyages fantastiques de Jules Verne et Le Monde Perdu de Arthur Conan Doyle. Il convient aussi de mentionner un élément important du scénario, la présence d’un peuple d’envahisseurs belliqueux qui cherchent à pouvoir contrôler l’abominable homme des neiges contre son gré, afin de divertir une plèbe ivre de sang. On pourra légitimement assimiler cette dernière au public qui attend toujours ce passage obligé de la confrontation orchestrée par des créateurs démiurges. Sur ce point, les spectateurs en auront pour leur argent. The Primevals porte également la signature des meilleures productions Full Moon de son temps (l’orchestration de Richard Band notamment à son meilleur) mais aussi quelques tares comme ces nombreuses continuités dialoguées qui ont malheureusement le tort de casser le rythme.
Néanmoins, la direction artistique crève le plafond, et la juxtaposition des plans composites numériques en remplacement de ceux effectués en rétroprojection ne jurent jamais avec l’identité originale du long-métrage et ce grâce à un superbe travail de restauration. Évidemment le film accumule tout les poncifs éculés du genre et ne peut éviter quelques écueils larmoyants quand la créature simiesque perd la vie en sauvant celle des explorateurs. Mais il ne faudrait pas oublier l’ambition qu’en avait son réalisateur au départ, celle de proposer une aventure riche en rebondissements et en émotions, qui parvienne à susciter l’émerveillement des petits et des grands enfants. Si ils se laissent prendre au jeu de la nostalgie, ils devraient assurément passer un très bon moment.