
Réalisateur : Sophia Takal
Année de Sortie : 2019
Origine : États-Unis / Nouvelle-Zélande
Genre : Slasher Pseudo-Féministe
Durée : 1h32
Le Roy du Bis : 1/10
Thibaud Savignol : 2/10
Où sont les femmes ?
Slasher oublié durant plusieurs décennies, Black Christmas est soudainement devenu une icône du genre passé sa redécouverte dans les années 2000. Ayant eu droit à un remake, au même titre que des poids lourds du genre (La Colline a des Yeux, Massacre à la tronçonneuse), Jason Bloum relance la machine seulement 13 ans après la version de 2006. Si cette dernière était un véritable remake, avec quelques modifications pour se démarquer de l’original, ici les scénaristes décident de faire un (grand) pas de côté pour coller aux thématiques de leur époque. Ils ont oublié au passage que le slasher, même si souvent accusé (à tort) d’être réactionnaire (les filles dévergondées y sont punies), est davantage la réaction primaire d’hommes désemparés face à la libéralisation du deuxième sexe.
Les ratés post-Metoo
Une nouvelle fois, la veille de Noël, plusieurs filles d’une sororité américaine sont prises pour cible par un tueur anonyme. L’archaïque coup de fil est remplacé par un SMS, et le huis-clos de quelques heures est abandonné. Narrant le harcèlement par une fraternité virile, symbole d’un patriarcat malfaisant et anxiogène, le long-métrage prendra rapidement la tangente vers un conflit ouvert des sexes. La réalisatrice Sophia Takal l’avait ouvertement annoncé en interview, son film sera aussi féministe que possible, souhaitant passer d’un point de vue voyeuriste à celui d’une accusation pointée vers le public.
Black Christmas cru 2019 s’inscrit dans la foulée du mouvement Metoo, à l’instar d’autres œuvres étiquetées féministes et propres au genre (Invisible Man, Birds of Prey). Le résultat est cependant d’une lourdeur affligeante, n’est pas Virginie Despentes qui veut. Il n’est pas question ici d’écrire de véritables personnages, mais plutôt des figures représentant différents «types» de femmes : la revendicatrice, la traumatisée, la soumise, la festive ou encore une dont le couple s’inscrit comme seul véritable trait d’identification. Fidèle à ses propos, la réalisatrice ne cache pas ses intentions, mais cela rend le tout extrêmement artificiel et détruit une certaine immersion narrative. Il en va de même côté couilles, entre le gentil pro-féministe et le méchant violeur.

Des caricatures dont pourrait se jouer Sophia Takal, mais celle-ci s’enferme dans un premier degré lénifiant, persuadé de faire une œuvre contestataire au service de la cause. Les dialogues ne sonnent jamais juste mais sont l’expression d’une écriture ultra-dirigiste, cherchant à cracher son message à tout bout de champ. Non, les femmes ne passent pas leur temps à parler uniquement de leurs menstruations, de leurs coucheries, de la lutte contre le patriarcat ou du mal que représente les hommes. Des sujets sûrement tabous à une période, que la réalisatrice se sent obligée d’étaler jusqu’à plus soif pour expliciter son point de vue. Agaçant plus que véritablement percutant.
Le slasher qui ne voulait pas en être un
Si seulement se cachait un bon film derrière tous ces défauts d’écriture à l’idéologie forcée au chausse-pied. Que nenni ! Tourné en moins d’un mois en Nouvelle-Zélande, la mise en scène est inexistante, réduite à sa fonction descriptive, sans jamais qu’une idée transcende la moindre séquence. L’étalonnage contrasté fait peine à voir, avec un rendu numérique ultra-lisse, pas aidé par une photographie sans idée. Noël devient une toile de fond comme une autre, là où les films précédents usaient des conditions climatiques de la période pour renouveler les enjeux du script.
Si le remake de 2006 sublimait son matériau en créant une image presque satirique de Noël, à l’image colorée de plus en plus saturée, cet opus est rivé à son discours au détriment de la moindre idée cinématographique. Le scénario achève sa longue agonie par un dernier basculement grossier vers le surnaturel, à base d’hommes possédés par une ancienne entité misogyne. N’est-ce d’ailleurs pas contre-productif de justifier les meurtres de femmes par des hommes sous le coup d’une puissance supérieure, plutôt que de les ramener à leur simple condition d’hommes tueurs ? Quand on vous le dit que ce Black Christmas n’affiche qu’un féminisme cynique de pacotille, juste bon à surfer sur les tendances du moment et engranger le pactole au box office.
Ce n’est pas quelques injures, deux revendications répéter inlassablement et trois étudiantes amazones qui achèveront de combattre les inégalités subies par les femmes. Avec sa violence édulcorée (les meurtres sont très rapides et avares en effets chocs), impossible de donner véritablement corps à cette guerre des sexes et aux doléances affichées. N’oublions pas qu’en 1974 il était déjà question d’avortement dans le film de Bob Clark. A se croire véritablement plus maligne que ses prédécesseurs, la réalisatrice accouche d’une parodie, même pas drôle, des combats féministes d’aujourd’hui. Si vous souhaitez vraiment continuer la lutte, matez-vous plutôt The Substance ou Baise-Moi.