
Réalisateur : Glen Morgan
Année de Sortie : 2006
Origine : États-Unis / Canada
Genre : Slasher Pervers
Durée : 1h32
Le Roy du Bis : 5/10
Thibaud Savignol : 6/10
Black Christmas, I gave you my heart
Longtemps resté méconnu au fil des décennies, Black Christmas a tout de même fait partie de la grande vague de remakes horrifiques des années 2000. Dans l’ombre de son illustre successeur Halloween (sorti en 1978, quatre ans après), il a progressivement retrouvé ses lettres de noblesse, notamment en tant que véritable premier slasher de l’Histoire. Les plus élitistes citeront Le Voyeur de Michael Powell et Psychose du grand Hitchcock pour contrer cette affirmation. Mais ces œuvres sont avant tout des proto-slashers, où les prémices du genre apparaissaient, et pas tout à fait des slashers comme on l’entend aujourd’hui.
La mode du remake
A l’instar de Massacre à la tronçonneuse, dont le remake produit par Michael Bay en 2003 fut une réussite, nombre de producteurs flairèrent le bon coup en ce début de 21e siècle. Se justifiant de remettre au goût du jour des classiques de l’horreur pour toucher un public plus jeune, trop idiot pour visionner les originaux, ce fut portes ouvertes ; pour le pire (Les Griffes de la Nuit, Vendredi 13, Amityville) et le meilleur (L’Armée des morts, La Colline a des yeux, Halloween).
Déjà réalisateur d’un remake des seventies en 2003 avec Willard, Glen Morgan est cette fois sollicité par les frères Weinstein qui se chargeront de la distribution. Accompagné par James Wong pour qui il a scénarisé Destination Finale 1 et 3 ainsi que The One, les deux s’accordent à dénoncer aujourd’hui un projet compliqué. Les célèbres producteurs n’ont cessé d’interférer dans leur travail, demandant une fin différente ainsi que de nombreux reshoot. Un tournage galère qui, malgré ses nombreux détracteurs à sa sortie, apparaît aujourd’hui comme un slasher efficace et très graphique, chose pas si courante dans le genre.
Le soir de Noël, au sein d’une sororité, plusieurs jeunes femmes passent les fêtes ensemble. Tandis que se profile un bon repas et la traditionnelle ouverture des cadeaux, à l’autre bout de la ville un maniaque s’échappe de l’asile. Il se pourrait bien qu’il s’agisse du célèbre Billy Lenz, tueur en série arrêté quelques années auparavant. Et la demeure de la sororité serait celle de son enfance, qu’il est bien décidé à réinvestir.

Réveillon sanglant et yeux arrachés sous le sapin
Au-delà de sa relecture du quasi huis-clos originel, la principale différence de ce remake est l’exploration trouble de son tueur. Là où il n’était qu’une forme obscure et vindicative en 1974, 40 ans plus tard il apparaît tout autant victime que bourreau. Battu, affamé, enfermé et violé lors de son enfance, il a réussi à se sortir de cette spirale infernale, devenant un tueur vicieux et dénué de la moindre compassion. N’hésitant pas à tuer ceux qui se dressent sur sa route, il souhaite ardemment retrouver le domicile familial, extension de sa psyché torturée et refuge face aux horreurs du monde.
On a en dévoilera pas trop ici, mais il se pourrait que cette fois-ci il ne soit plus seul à œuvrer. Un arc rajouté de force par les exécutifs, clairement pour surfer sur les célèbres doubles twists de Scream. Pas l’écriture la plus subtile, mais qui permet de franchir un cran dans la perversité et l’immoralité. Et ça pour ça, on est clients.
Parce qu’en terme de limites, elles sont rapidement franchies, aussi bien en ce qui concerne la violence des exécutions (yeux crevés, corps martyrisés) que lors des flash-back familiaux. En troquant la tension et le hors champ du modèle original pour une débauche de meurtres sanguinolents (apparemment contre son gré) et une narration sur-explicative (chez Bob Clark, la psychologie du tueur n’est jamais explicitée), Morgan dote son remake d’une véritable personnalité, certes plus bourrine, mais non moins attachante.

Un Noël haut en couleurs
Quant à la forme, rarement long-métrage de Noël n’aura su aussi ingénieusement mettre à profit les décorations propres à ces festivités. La sororité dégueule littéralement de guirlandes, sapins, illuminations et autres accessoires. Au lieu d’être réduits à une simple utilité décorative, comme trop souvent, tous ces éléments participent à créer une sorte de Noël infernal, les couloirs se retrouvant baignés de rouge et de vert au gré des scintillements, et le salon n’existant plus qu’à travers ces sources lumineuses. Coloré à l’excès, rappelant par moments les envolées picturales propres à Argento (Inferno, Suspiria), Black Christmas cru 2006 fait honneur aux festivités mises en scène, en adéquation parfaite avec une mécanique de prédation barbare.
Trop vite enfoncé en comparaison de son modèle, le film de Glen Morgan mérite pourtant une seconde chance. Bien supérieur à la version ratée de 2019, trop embourbée dans sa morale, ce slasher à la générosité folle, dotée d’un casting féminin impeccable (avec la dorénavant trop rare Mary Elisabeth Winstead), parvient à se démarquer du film orignal. Fleurtant souvent avec le mauvais goût assumé, Black Christmas est le cadeau parfait pour un Noël au doux parfum de subversion.