
Réalisateur : Emmett Alston
Année de Sortie : 1980
Origine : États-Unis
Genre : Slasher de Réveillon
Durée : 1h25
Thibaud Savignol : 6/10
La banalité du mâle
Le passage à la nouvelle année ne serait-il pas le meilleur moment pour un tueur fou de sévir ? Les gens sont pressés d’en finir pour passer à autre chose, ne pensent qu’à faire la fête, au champagne et à embrasser tout le monde dès minuit. Les effectifs des services publics, réduits comme peau de chagrin, ne savent plus où donner de la tête. C’est sûrement ce que s’est dit le taré de New Year’s Evil, bien déterminé à empêcher certains de profiter d’une année supplémentaire.
Ça va couper chérie !
Dernier jour de l’an 1980. Diane Sullivan, surnomée Blaze, anime une émission musicale pour célébrer le réveillon. Des groupes de rock se succèdent, tandis qu’une poignée de privilégiés pogotent sans faiblir à chaque nouveau morceau. La présentatrice va cependant devenir la cible d’un psychopathe, lui annonçant par téléphone plusieurs meurtres à venir durant la soirée.

Tourné pour une poignée de dollars en seulement trois semaines, New Year’s Evil surfe évidemment sur la vague du slasher, qui emporte tout sur son passage suite au succès dantesque du Halloween de Big John. On retrouve aux commandes du projet les cousins Globus/Golan, bien connus des férus de série B eighties (Delta Force, Over the Top). Fidèles à leur réputation d’économes, une grande partie du casting et des techniciens font leurs premières armes sur le long-métrage.
À l’instar de ses prédécesseurs, New Year’s Evil choisit de détourner une fête populaire, de la subvertir par le meurtre et la décadence. Après Noël (Black Christmas) et Halloween, c’est au Nouvel An d’être perverti par les excès de son époque. Les temps ont changé : terminés les monstres gothiques de la Universal ou de la Hammer, ces figures qui plaçaient le Mal comme une altérité en dehors de nos société. Le Mal rôde désormais dans nos quartiers, nos jardins et sur notre lieu de travail. Il se pourrait même qu’il soit déjà là, à vous épier par dessus votre épaule.
Lucide paradigme enfin, que celui de l’horreur seventies, reflet d’une violence qui se terre désormais parmi nous et non en dehors de nos villes. Ainsi les nouvelles technologies constituent une aubaine pour les scénaristes attachés au genre. Le téléphone, symbole d’une première invasion du foyer, abondamment et intelligemment utilisé dans Black Christmas puis dans Terreur sur la ligne, constitue ici le seul dialogue possible d’un homme devenu incontrôlable.
Dans la tête du tueur
Parce qu’au final, l’œuvre lorgne beaucoup plus vers le film de psycho-killer, qui sera popularisé six ans plus tard par Henry, Portrait of a Serial Killer, que vers le slasher pur et dur. L’identité de l’assassin est révélée au bout de 10 minutes (Kip Niven est au passage un étrange sosie de John Cazale), et le spectateur passera plus de temps à suivre ce loup solitaire que la présentatrice télé.

Il échafaude ses meurtres pour que chacun coïncide avec un créneau horaire différent sur le territoire américain, achevant ses victimes au moment du compte à rebours de Nouvel An. Si on parlait du téléphone comme outil technologique devenu accessoire de scénario, c’est ici un enregistreur qui permet au tueur de capter les derniers râles de ses victimes, avant de les faire écouter à la femme qu’il harcèle au téléphone.
Changeant de tenue pour chaque homicide (prête, infirmier), il perpétue la tradition du slasher. Certes pas masqué, le tueur entretient ce changement de peau, cette altération de la personnalité, qui lui permet non pas d’agir en sa personne mais au nom de ses névroses ; il se surnomme d’ailleurs lui-même Evil.
Mais le réalisateur n’oublie pas de ponctuer cette odyssée meurtrière par quelques pointes d’humour, notamment lorsqu’une victime ne cesse de parler, déboussolant le tueur et compromettant ses plans. Quelques jolies paires de seins, une ambiance rock à la Phantom of the Paradise et un passage cocasse au drive-in achèveront de convaincre les mordus de slasher de donner sa chance à celui-ci, parmi les pionners du genre. Ils seront même gratifiés d’un twist malin, bien que pas impossible à deviner
Mais surtout, les derniers dialogues illustrent ce que le slasher fut dès son départ. Non pas un genre réactionnaire comme on peut souvent le lire, mais au contraire, le contre-coup apeuré d’hommes dépassés par la libéralisation des mœurs, et notamment celles féminines. Clairement pas sain d’esprit, le tueur apparaît comme un macho retardé, qui n’aurait pas réussi à suivre la marche du monde, engoncé dans sa vision réductrice des femmes. Les derniers plans annoncent ainsi une violence qui perdurera, se transmettra, à l’égard de femmes jugées trop «libres» par certains. Et dire qu’on en est encore là aujourd’hui.