
Réalisateur : Franck Dubosc
Année de Sortie : 2024
Origine : France
Genre : Thriller Enneigé
Durée : 1h55
Thibaud Savignol : 6/10
Sortie en salles : 1er janvier 2025
La Montagne des embrouilles
Le succès ne se dément pas pour Franck Dubosc. Lui qui a régné sur le box-office des années 2000/2010 (la saga Camping notamment) et rempli les salles de spectacles, confirme son statut à mi-parcours de cette nouvelle décennie. Après avoir connu un carton pour son premier long-métrage en tant que réalisateur (le pas folichon Tout le monde debout), réunissant 2,5 millions de spectateurs en salles, c’est la douche froide pour Rumba la vie en 2022 (moins de 300 000 entrées). Cela ne l’empêche en rien d’enchaîner plusieurs projets par an devant la caméra d’autres metteurs en scène, avec en ligne de mire la bonne comédie familiale franchouillarde.
Il ne faut pas vendre la peau du Franck …
Lorsque Michel évite de justesse un ours perdu en plein milieu de la route, c’est le drame. Son véhicule va s’encastrer directement dans une voiture alors stationnée sur le bas côté. Résultat, deux morts. Tandis qu’il nettoie la scène de crime avec sa femme Cathy, celle-ci découvre dans le coffre un sac contenant deux millions d’euros en petites coupures. De quoi redonner du baume au cœur avant Noël pour une famille désunie et presque ruinée. Il ne reste plus qu’à dissimuler les preuves et se taire. Mais la gendarmerie veille au grain et on ne s’improvise pas nettoyeur du jour au lendemain.
A vrai dire, dès la bande-annonce, Un Ours dans le Jura intriguait plus que de raison. Si la dimension comique restait au cœur du dispositif, avec plusieurs blagues déjà dévoilées, les images laissaient entrevoir quelque chose d’un peu plus sombre qu’à l’accoutumée. Lorsque Dubosc lui-même annonçait qu’il souhaitait faire un western rural dans la veine de Fargo, il n’en fallait pas plus pour titiller même les plus réfractaires à son univers.

Tourné en plein hiver 2024 dans le Jura, le long-métrage profite de ces grands paysages enneigés et déserts pour distiller son ambiance de thriller pastoral. Si le classique des frères Coen est une référence évidente et assumée, il n’est pas interdit de penser également au Un Plan simple de Sam Raimi, bien plus féroce et nihiliste encore. Ces espaces infinis apparaissent comme le cadre idéal aux disparitions, à la dissimulation et aux échappatoires, tout en circonscrivant ses personnages dans une délimitation qui en fait rapidement des suspects. Au cœur de ces montagnes, si vastes, les individus sont pourtant bien plus proches de leurs semblables que la géographie le laisse à penser.
… avant d’avoir vu le film
A travers cet état de fait paradoxal (terrain de jeu gigantesque mais nul part où réellement se cacher), le réalisateur s’amuse à multiplier les pistes et les rencontres fortuites. Dans la veine des frères Coen, se télescopent flics un peu gauche, voyous malchanceux, tueur à gages sans pitié, prêtre véreux ou encore magnifiques loosers. Malgré quelques situations trop étirées alourdissant un tantinet le récit, et un ours qui disparaît finalement bien vite de l’intrigue, le scénario est assez malin pour tenir en haleine jusqu’au dénouement final.
Derrière ces atours de thriller néo-noir, presque méta vis à vis de ses classiques et de cette relecture à la sauce campagne française, se greffe un couple dans la tourmente, où une femme entreprenante doit sans cesse composer avec un mari nigaud et un enfant déficient mental. Si Dubosc s’amuse énormément à user jusqu’à la corde des ficelles du genre, entre quiproquos et situations absurdement décalées, il n’oublie pas le cœur de son cinéma, à savoir la réunification de familles brisées.
Une direction qui adoucit quelque peu la noirceur de départ, même si jamais vraiment méchante, et qui fonctionne grâce aux talents de ses interprètes : Poelvoorde magnétise l’écran comme toujours, Laure Calamy est impériale et Dubosc lui-même se met intelligemment en retrait pour laisser briller les autres autour de lui. Les quelques saillies violentes et vulgaires n’en sont que plus efficaces, que ce soit avec cet empalement gaguesque ou lors d’une descente dans un club échangiste. Si le final s’avère un brin expédié et que l’agressivité des débuts à tendance à s’émousser, Un Ours dans le Jura constitue un hommage plutôt réussi et une bouffée d’air frais dans le paysage de la comédie française policée. On ne connaissait pas ce Franck Dubosc là, et on espère vite le revoir.