
Réalisateur : Richard McCarthy
Année de Sortie : 1988
Origine : États-Unis
Genre : Western Horrifique
Durée : 1h25
Le Roy du Bis : 8/10
Les Zombies à L’Ouest
Le western spaghetti n’a jamais vraiment été le dada de Charles Band, bien qu’il ait été plongé dans cet univers plus jeune aux côtés de son père Albert Band. Alfredo Antonini de son vrai nom travailla à plusieurs reprises avec le célèbre Sergio Corbucci (Massacre au Grand Canyon, Les Cruels) et le nabab Dino de Laurentiis. Dans les années 80, le genre est alors totalement moribond et personne ne misait un kopeck sur son retour en fanfare excepté peut-être Clint Eastwood (Pale Rider Le Cavalier Solitaire). Empire décide pourtant de le dépoussiérer sur la base d’un scénario de David Schmoeller remanié par Duke Sandefur. L’intrigue envoie un policier des temps modernes remettre de l’ordre dans une ville fantôme, frappée d’une terrible malédiction depuis que l’ancien shérif fut sauvagement assassiné par Devlin et sa bande de hors la loi.
Dust and Bones
L’Ouest ne charrie plus que des squelettes et de la poussière. L’idée particulièrement originale permet de faire l’introspection du genre en revitalisant ses lieux emblématiques (saloon, chapelle, rue principale envahie de vieilles bicoques), ses codes incontournables (duel crépusculaire et règlement de compte à mains armées, filles de joies, fétichisme des armes à feu, la vengeance et la défense de la communauté) et ses cadavres… Les décors de ruines et les effets de brume occulte permettent d’installer une atmosphère lugubre et oppressante, mais aussi d’accentuer l’effet de désolation recherché.
Les squelettes et revenants apparaissent de manière insidieuse dans ce cadre sépulcrale, au détour d’un escalier (superbes effets d’éclairage), ou bien dans le reflet d’un miroir avant de disparaître subitement sans crier gare au gré du vent balayant ce qui reste de leurs cendres. Les fantômes vont peu à peu revenir à la vie à mesure des flash-backs et rencontres d’outre-tombe permettant de faire la lumière sur les événements intervenus un siècle plus tôt. Le héros va néanmoins découvrir que ses armes modernes n’auront aucun effet sur les bandits, et que seul un bon vieux Remington des familles pourra les renvoyer dans leurs tombes.
Le sadisme et la cruauté des mises à morts (crucifixion, mutilation, trépanation par balle, démembrements et empalement) tendent à rapprocher le film des western spaghetti de Sergio Corbucci (Le Grand Silence, Django) mais avec une dimension fantastique se rapprochant de l’univers spectrale de Lucio Fulci (Les Quatre de l’Apocalypse). Le film emprunte également quelques influences à d’autres classiques de l’épouvante-horreur tels que Shining, Evil Dead, et The Thing que le metteur en scène a su agencer harmonieusement.

Paradoxalement l’absence de véritable composition orchestrale participe à renforcer l’angoisse de la situation. Une partie de ces sons d’ambiance furent néanmoins atténués par Charles Band en post-production sans l’accord de son réalisateur, recyclant quelques morceaux d’autres productions (Fou à tuer, Ghoulies II, From Beyond). Ces choix inopportuns ont néanmoins le tort d’atténuer l’horreur de certaines séquences.
Big Trouble in Cruz Del Rio
Tourné à Tucson dans le désert de l’Arizona, Ghost Town est l’une des rares (et dernières) productions d’Empire à ne pas avoir été réalisée dans les studios Dinocitta. Richard McCarthy garde un souvenir assez amère de cette expérience chaotique, n’ayant eu que 22 jours pour achever les prises de vues. Contrairement à ce que laissent entendre les rumeurs calomnieuses à son sujet, McCarthy signa le film sous le pseudonyme de Richard Governor, pour éviter que l’entreprise ne périclite sous les coups de butoir de la DGA. En effet, l’ensemble de l’équipe technique n’était pas syndiquée, contraignant le cinéaste à «tuer» son nom et à enterrer par la même manière tout espoir de carrière dans le cinéma. Cette décision lourde de conséquences le hantera durant des années.
Ce choix reste néanmoins conditionné par une promesse non tenue de Charles Band à son égard, lui garantissant deux projets supplémentaires alors que sa société Empire Pictures était alors au bord de la faillite financière. En outre, le réalisateur alla jusqu’au terme du tournage contrairement à ce que le laisse entendre d’autres rumeurs découlant en réalité d’une brouille avec le producteur exécutif Frank Hildebrand, qui le pressait d’achever rapidement ses prises de vue. Les rapports furent à couteaux tirés. En revanche le directeur photo Mac Ahlberg crédité comme «coréalisateur» fut envoyé sur un autre tournage à une semaine de l’échéance. Il ne fait donc aucun doute que la paternité de l’œuvre revient bien à Richard McCarthy, ce dernier se retrouvant ensuite évincé lors de la post-production puis persona non grata le soir de la première au Chinese Theatre.

La rancœur de Richard McCarthy reste tenace malgré le poids des années, broyé par le système à la suite de quelques bisbilles sans grande gravité. Charles Band recruta l’actrice Catherine Hickland sans juger bon d’avertir son metteur en scène au préalable, alors qu’une autre comédienne avait initialement été retenue pour le rôle de Kate. L’actrice particulièrement hautaine et orgueilleuse joua les diva sur le tournage, faisant payer cher le choix de son réalisateur, imposant une roulotte personnelle sur le set quand les acteurs plus chevronnés tels que Bruce Glover et Michael Aldredge, devant notamment supporter 4 heures de maquillage quotidien, se contentaient de dormir à l’hôtel.
Richard McCarthy essuya également l’opprobre du scénariste Duke Sandefur, mécontent des coupures effectuées dans le script en raison du budget serré accordé à cette entreprise. Si l’histoire ne retient que les vainqueurs, il faut tout de même rendre à César, tant les qualités intrinsèques de ce western horrifique tombé dans l’oubli reflètent bien les choix de son principal metteur en scène, réduit au silence par ses bourreaux pendant 37 ans avant que l’éditeur Wicked Vision ne lui offre l’occasion de se faire justice.