
Réalisateur : Joseph Kosinski
Année de Sortie : 2010
Origine : États-Unis
Genre : Monde Virtuel
Durée : 2h05
Le Roy du Bis : 5/10
Thibaud Savignol : 6/10
Le jour d’après
Laissée au placard pendant presque 30 ans, la saga Tron (qui n’en est pas une à l’origine) voit enfin débouler son second opus fin 2010, un an après l’expérience extatique Avatar. Si Disney avait envisagé ce scénario dès les années 80, les résultats décevants du premier film avaient refroidi leurs ardeurs. Mais en ce début de millénaire, alors que les jeux vidéo prennent une place grandissante dans le secteur des loisirs et que les technologies numériques ne cessent de se bonifier, le moment est venu de redevenir le leader avant-gardiste d’antan.
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Chose étonnante, le projet Tron : L’Héritage, et notamment son enveloppe de 170 millions de dollars qui l’accompagne, est confié au débutant Joseph Kosinski. Repéré pour ses publicités sur Gears of War et Halo 3 et 4, il n’empêche que le jeune rookie de 34 ans n’a jamais tourné le moindre long-métrage, encore moins de cette ampleur. Pourtant, malgré un scénario qui pêche par un classicisme certain, on ne peut nier les qualités formelles du film, éloge du beau et du grandiose.
En 1989, sept ans après les événements du premier Tron, Kevin Flynn s’est fait la malle, laissant derrière lui son rejeton Sam. Héritier de l’empire ENCOM, ce dernier n’a que faire des réunions de bureaucrates, plus intéressés à coter leurs actions en bourse qu’à innover réellement. Tandis qu’il profite de sa vie de pacha adolescent immature, son mentor Alan Bradley reçoit un message de Flynn émanant de son ancienne salle d’arcade. Sam s’y aventure, découvre un passage secret et se retrouve à son tour propulsé dans le monde virtuel : la Grille. Il rencontre ainsi CLU, programme crée par son père, mais qui cache des ambitions tout autre.
Vendu comme une suite à sa sortie, les choses paraissent bien moins évidentes lors du visionnage. Oscillant en permanence entre la séquelle pure, notamment via l’évolution de la temporalité et la prise en compte des événements passés, le long-métrage de Kosinski lorgne à plusieurs reprises méchamment du côté du remake. Sam est projeté dans l’univers de la même façon, par accident, il est rapidement mis à l’épreuve en moto et au frisbee, avant de lutter contre un système autoritaire. Si les retrouvailles avec le père dynamisent les enjeux, notamment vis à vis de l’IA CLU, sorte de mimétisme utopique de Flynn, la sidekick Quorra (impeccable Olivia Wilde) et une quête de liberté évoquent trop le modèle original.

Les scénaristes tentent bien d’approfondir la mythologie, mais devant l’impossibilité de sortir un montage de 2h50, énormément d’éléments ont dû être rabotés de l’aveu même de Kosinski. Ainsi, on en saura pas beaucoup plus des ISOs, créatures nées spontanément comme un bug dans la matrice, au potentiel d’application si vaste, de la science à la religion en passant par la médecine. Quid également de la révolution qui couve et de ses différentes factions (survivalistes, spirituels, guerriers), à peine esquissées lors d’une longue séquence en boîte de nuit, très réussie au demeurant.
One More Time
Tous ces éléments auraient pu (dû ?) permettre, à l’instar de Tron en son temps, d’agir comme une nouvelle radiographique de notre époque, d’épouser les (r)évolutions informatiques qui ont eu lieu depuis. La seule piste que le film creusera à minima, c’est la dualité Flynn/CLU, le premier ayant ordonné au second de créer une société parfaite, un monde plus juste, pour trouver une façon de réparer le notre. Mais CLU deviendra dès lors un tyran en maître, chassant chaque imperfection, chaque défaillance comme une menace à la survie de son système absolu.
Derrière ses écueils scénaristiques, son manque de prise de risque et sa faiblesse politique, en regard de ce que racontait Tron 30 ans plus tôt, Tron : L’Héritage propose néanmoins des séquences d’action réellement grisantes. Avec 40 minutes tournées en IMAX, les temps forts décuplent l’intérêt du visionnage, immergeant le spectateur au cœur d’un son et lumière total. Le design ultra-moderne et racé apparaît comme une cure de jouvence orchestrée de main de maître, parfaitement mis en image lors de jeux du cirque où motos et frisbees remplacent lances et boucliers. L’élégance des cadres, la fluidité du mouvement et la profondeur de champ dantesque dégagent une puissance pas si courante, même dans ce type de production.
Largement portée aux nues depuis, la BO composée par les Daft Punk ne fait que renforcer cette intensité électrisante. Loin des destructions et autres explosions génériques qui pullulent, Kosinski imprime une patte esthétique indéniable à son œuvre. S’il rate le coche sur l’introspection du numérique lui-même à l’heure de son exposition permanente et trans-média, il peut au moins se targuer de donner aux spectateurs leur dose de dopamine cinématographique. Pas le grand film cérébral espéré ou le reflet d’une époque à son insu, mais un grand spectacle aux néons pétardants et aux panoramas ébouriffants. Le roi a presque récupéré son Tron.



