[Critique] – New Rose Hotel


New Rose Hotel affiche film

Réalisateur : Abel Ferrara

Année de Sortie : 19998

Origine : États-Unis

Genre : Neo-Noir Sensuel Cyberpunk

Durée : 1h33

Thibaud Savignol : 6/10


Science-Fiction à poil


Épure du genre

À une époque indéterminée, Fox et X, qu’on devine être des mercenaires travaillant à leur propre compte, décident de terminer leur carrière sur un gros coup. Mandatés par la puissante multinationale Hosaka, ils ont pour mission d’arracher le généticien de génie Hiroshi aux mains de leurs concurrents, la société Maas. Ils engagent ainsi Sandii afin de séduire le scientifique, et de le pousser à s’envoler à ses côtés loin de son Allemagne actuelle. Malgré son pedigree, X commet l’erreur de tomber amoureux de leur nouvelle recrue, compromettant grandement les chances de réussite de l’opération.

S’il habille son films d’oripeaux Cyberpunk aussi bien esthétiques (bar néon, architecture épurée, villes immenses), que narratifs (États Nations, corporations rapaces), impossible d’en prendre vraiment conscience lors du premier acte. Rien à l’écran ne permet de situer exactement l’action, tout apparaît aussi décalé qu’hermétique, et seuls quelques objets pseudos futuristes (portable, mini écran gadget) viendront confirmer un récit d’anticipation. Reste cette vision toujours ultra-urbanisée d’un monde surpeuplé, déshumanisé, avec ces grandes métropoles, métaphores de réseaux toujours plus dévorants, parfaitement captées (volées?) par les quelques plans aériens qui agrémentent le métrage.

New Rose Hotel Critique Film Abel Ferrara

Lors de la présentation du film à la Mostra de Venise en 1998, Ferrara ira même jusqu’à se vanter auprès des journalistes de ses plans tokyoïtes. Il n’en est rien, l’intégralité ayant été tournée dans sa New-York natale, le passage à Marrakech recréé dans une contre-allée de Soho. Quelques années plus tard, interrogé à ce sujet, il rétorquera : «Le film se situe dans le futur, alors on s’en fout des endroits où on tourne». Rien d’étonnant de la part de ce personnage singulier, pas avare en déclarations présomptueuses (il assure également que ses séquences à l’hôtel ont été tournées dans le Sofitel où était DSK).

Quand le Prince de New-York rencontre Lynch

Son New Rose Hotel vire rapidement au film-concept, abstrait, voire carrément expérimental (notamment en terme d’écriture). On ne sait rien sur personne, l’intrigue se réduit à une ligne claire et n’en dévirera jamais. Pas d’action, de scènes de confrontations ou autre. Nous voilà emprisonnés avec ce trio sulfureux, de chambre d’hôtel en chambre d’hôtel, au détour d’un bar ou d’un bureau aseptisé. Frôlant l’érotisme soft, avec une Asia Argento incandescente et un William Dafoe en pâmoison devant cet ange irréel, la spirale se met en marche, tel un néo-noir vénéneux, jusqu’à un renversement de situation des plus déroutants.

Comme souvent chez Ferrara la mise en en scène est sèche et son style guérilla très marqué, issu de ses débuts, se ressent encore 15 ans après. Le filmage si particulier, évitant toute scène en extérieur, couplé à un montage presque éthéré nous perd de scènes en scènes. Appuyé par une bande-son électro-pop aux accents parfois métalliques, l’œuvre s’apparente dès lors à un trip sensitif, qui a défaut de convaincre pleinement, vaut le coup d’œil, ne serait-ce que pour découvrir une autre façon de penser la science-fiction, loin de la course aux visuels grandiloquents. Le tarissement d’informations, tout autant que l’éclatement narratif du métrage, participent à cette virée onirique, parfois sulfureuse, imparfaite, mais aux réminiscences post-visionnages bien réelles.

La dernière partie, sans rien spoiler, est sûrement ce qui fait du métrage une œuvre aussi controversée dans l’œuvre du réalisateur new-yorkais. Uniquement composée de flash-back et de voix off, plusieurs lectures en ressortent. On peut clairement y déceler un film non terminé, par manque d’argent ou pour des différents artistiques (chaque séquence apparaît comme du recyclage). Ferrara s’est lui-même brouillé avec certains de ses acteurs, prétendant que le film n’a jamais été achevé. D’autres cependant y voient une narration volontairement répétée deux fois, la deuxième étant le point de vue de X sur les événements, recomposant ses souvenirs à l’aune des dernières révélations. Quoi qu’il en soit, au-delà des interprétations, New Rose Hotel est, sans garantie aucune du ressenti final, une expérience à tenter sans plus attendre.

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