
Réalisateur : Zach Lipovsky et Adam B. Stein
Année de Sortie : 2025
Origine : États-Unis
Genre : La Mort Vous Va Si Bien
Durée : 1h50
Thibaud Savignol : 6/10
On ne choisit pas sa famille
Il aura fallu attendre 14 longues années avant qu’un nouveau Destination Finale pointe le bout de son nez. Pourtant, avant même la sortie du cinquième opus en 2011, l’acteur Tony Todd (Candyman) avait annoncé que deux suites seraient tournées en simultané en cas de succès. 150 millions de dollars de recettes plus tard, la saga répond aux abonnés absents. Une saga qui a fait les beaux jours des teenagers avides de sensations fortes dans les années 2000, aux côtés des pièges machiavéliques des films Saw. Une saga qui est de retour aujourd’hui, poussant encore plus loin le baromètre du gore des précédents opus, pour notre plus grand plaisir sadique.
Nouveau départ
Du côté de New Line Cinema, silence radio jusqu’en 2019, lorsque les scénaristes Marcus Dunstan (la saga Feast) et Patrick Melton (Saw 4 à 7) pitchent une sorte de reboot se déroulant dans le monde des urgentistes, pompiers et policiers. Mais le Covid passe par là et met un terme à l’idée plutôt originale de soignants massacrés dans d’horribles circonstances. Un nouvel angle d’approche est obligatoire vu l’épilogue de Destination Finale 5, qui fermait parfaitement la boucle amorcée avec l’opus inaugural. Jon Watts, réalisateur des derniers Spider-Man, de Clown en 2014 et fan de la série, arrive dans la balance avec de toutes nouvelles aspirations.
En pleine folie des sixties, la jeune Iris se rend à la soirée d’inauguration d’une nouvelle tour panoramique, accompagnée de son prince charmant. Pas de chance pour le couple, le bal tourne rapidement au désastre tuant l’intégralité des convives. Mais il s’agissait en réalité du cauchemar de Stefani, une étudiante hantée par cette vision récurrente depuis des mois. En investiguant auprès de sa famille, elle découvre qu’Iris est en réalité sa grand-mère, qu’elle n’a jamais connue et qui vit désormais recluse au fin fond de l’Arkansas, ou une région dans ce goût là. Elle part à sa rencontre, et découvre qu’Iris a empêché le massacre ce soir-là. Depuis, la Mort traque chaque survivant et leur descendance.
Ambition toute nouvelle pour la saga, qui s’étend désormais sur des décennies. Impossible de ne pas évoquer la relecture moderne d’Halloween de David Gordon Green, où trois générations de femmes se retrouvaient à affronter le Mal à l’état pur. De même pour ce Bloodlines, où les liens distendus entre Stefani et sa mère qui l’a abandonnée plus jeune vont progressivement se réaffirmer dans une lutte de tous les instants pour la survie. Ce nouvel épisode fait des relations familiales le cœur de sa narration, le groupe d’amis étant désormais remplacé par une famille promise à un sort funeste. Une continuité des thématiques chères au duo de réalisateurs, que l’on pouvait déjà entrevoir dans leur sympathique Freaks.

La feinte de la feinte
Une ampleur scénaristique forte et novatrice, qui bat en peu en brèche passé le premier tiers du film. Le concept sert avant tout de rampe de lancement à l’habituelle mécanique du récit, le spectateur se retrouvant rapidement avec le traditionnel groupe de survivants pourchassés par une Mort vindicative. Pas une tare en soi, mais plutôt le léger regret d’une ambition pas totalement aboutie, qui appelait peut-être à différentes couches temporelles, comme un puzzle géant à travers le temps et la fatalité. En l’état la nouveauté est suffisamment prégnante pour être saluée et l’efficacité du long-métrage, malgré quelques longueurs et un dernier acte plus convenu, promet un spectacle à la hauteur des attentes.
Sans hésitation aucune, la séquence d’ouverture de ce Destination Finale : Bloodlines est à ranger aux côtés de l’incroyable introduction du second opus. Un modèle de tension inspiré des meilleurs De Palma (l’ouverture de Snakes Eyes en tête), multipliant les allers-retours incessants jusqu’à une explosion de violence aussi soudaine que méchante. Chaque élément accidentogène est poussé à son paroxysme, bien aidé par un montage tout en montagnes russes, qui à l’image d’un Fury Road ne cesse de décélérer pour mieux repartir ; jusqu’au point de rupture musical comme brillante trouvaille, rythmant les prémisses d’une mort prochaine. S’ensuivra une orgie gore aux milles idées, jouant de la verticalité comme arme létale, évoquant même par moments les chutes fatales des riches vacanciers du Titanic.
Si le film démarre beaucoup trop fort pour son propre bien (il ne retrouvera jamais cette virtuosité par la suite), les péripéties à venir affichent un ludisme des plus réjouissants. Apparaît une pointe d’humour dans la mise en place des installations mortelles, comme clin d’œil complice au spectateur dorénavant à l’affût du moindre indice dans le cadre : l’un des personnages évoque les centaines d’accidents domestiques possibles, quand ce n’est pas la traversée d’une porte tambour qui jouit d’un suspens gaguesque. La saga se drape ainsi d’une sorte d’effet post-méta, se jouant de ses propres codes et des évolutions du cinéma horrifique des dernières années, mais sans jamais livrer ses personnages au cynisme récurrent du genre.
Derrière ces traits d’esprit se cache un travail chorégraphique impressionnant, transformant chaque mise à mort en un spectacle interminable voire éprouvant. Devant constamment déjouer les attentes de spectateurs connaisseurs, les réalisateurs ne cessent de multiplier les fausses pistes, de rajouter de potentiels dangers, étirant au-delà du raisonnable l’instant fatidique, quitte à oser ne pas conclure du tout. On retiendra un barbecue mortellement ingénieux, un camion-benne qui en surprendra plus d’un car scénaristiquement trompeur ou encore l’interminable séquence d’I.R.M d’un sadisme détonnant. Du gore à la pelle donc pour le retour réussi d’une des sagas les plus funs du cinéma horrifique.