
Réalisateur : Douglas McKeown
Année de Sortie : 1983
Origine : États-Unis
Genre : Zobs Carnassiers Venus D’ailleurs
Durée : 1h18
Le Roy du Bis : 6,5/10
Disponible à la vente chez Uncut Movies
The Giger Factor
Dans l’Aliensploitation des années 80, The Deadly Spawn constitue l’un des rejetons les plus enragés de cette portée incestueuse engendrée par le classique de Ridley Scott. Tourné avec une enveloppe dérisoire d’environ 25 000 dollars, à la sueur des bras, du système D et du bénévolat, cet ovni de Douglas McKeown bénéficie d’un petit culte aux États-Unis. Rescapé des vidéos clubs en France et connu sous le titre opportuniste de La Chose (une référence à The Thing de John Carpenter) le film ressort ce mois-ci au format Blu-ray, disponible à l’achat chez le distributeur orléanais Uncut Movies. Si les précédentes éditions du film souffraient considérablement de leurs transpositions vidéo, cette nouvelle mouture de Freak Video ne saurait qu’enchanter les amateurs du genre.
Au Garde à vous !
A la suite du crash d’une météorite, un parasite d’origine inconnue trouve refuge dans la cave d’une maison et se met à pondre des progénitures. Plus impactant qu’une infestation de punaises de lits, ces larves voraces prolifèrent rapidement, se cachant dans chaque recoin de la maison, derrière les tableaux, le long des plomberies ou sous le mobilier, prêt à mordiller les tibias des habitants avec leur horribles dents crochues.
Derrière son pur argument de série B (une créature anthropophage qui dévore des gens et se met à grossir progressivement), The Deadly Spawn dresse une étude de cas assez subtile portant sur la crise larvée d’un adolescent, et le bouleversement que son orientation sexuelle opère sur son entourage. Plusieurs séquences nous mettent ainsi la puce à l’oreille, notamment celle de la psychanalyse menée par le patriarche cherchant à creuser les centres d’intérêts, passions et névroses du jeune homme assez peu loquace. La créature de forme phallique s’impose ainsi comme la manifestation d’un fantasme adolescent typiquement masculin.
Face à cette abomination, l’adolescent reste bouche bée, à la fois fasciné et pétrifié. Seul son silence lui permettra de passer à travers les mailles du filet et d’éviter cette bombe à retardement. La créature va se mettre à grossir progressivement et mettre en branle l’équilibre de tout le foyer. L’unité se retrouve alors menacée, et des vies seront détruites dans l’hystérie collective de ces sécrétions (hormones, semence, morsures, larves).

L’adolescent ne pourra mettre fin à la situation qu’en acceptant enfin de faire face à ses problèmes (le monstre ou son homosexualité refoulée), en se reconnectant à la réalité (par le truchement d’un câble qu’il devra brancher à une prise pour faire imploser la créature). D’autres n’y verront probablement que le postulat d’un scénario s’apparentant à l’un de ces EC Comics que le cadet de la famille dévore entre deux K7 vidéo.
L‘Invasion des Zobs Carnassiers
Évidemment, l’intérêt de The Deadly Spawn repose avant tout sur sa mécanique de prédation, ses effets excessivement gores (effeuillage de visage, décapitation) et surtout le design de sa créature. La dimension sexuelle de cet énorme zob carnassier s’inspire du xénomorphe de H.G. Giger, mais également de la larve belliqueuse du Parasite de Charles Band sorti l’année précédente en 3D. La conception du monstre anthropophage est l’œuvre de John Dods et de son compère Robert Bohus.
Les dimensions de la sculpture furent si larges et imposantes qu’elle ne passait pas la porte de l’atelier contraignant l’équipe à s’adapter à la situation. Durant toute une partie du long-métrage, la créature se terre donc dans le sous-sol de la maison, avant de monter les marches et d’apparaître dans l’encadrement de la porte. Les maquillages sont réalisés par Arnold Gargiulo qui aura notamment l’occasion de travailler sur Frankenhooker et Le Jour des Morts-Vivants.
Homme de théâtre, Douglas McKeown fait déjà moins illusion dans son travail de mise en scène. La sous-exposition de la pellicule et les problèmes de contrastes dans l’obscurité trahissent les limites de son budget rachitique. Le producteur Ted A. Bohus témoigne d’ailleurs de l’amateurisme de l’ensemble de l’équipe non sans faire preuve d’un humour bravache. Néanmoins, le 16mm granuleux conserve ce charme suranné caractéristique du cinéma Bis de l’époque, et renforce l’atmosphère déliquescente du film.
Les anecdotes croustillantes parsemant ce tournage entre copains révèlent également un artisanat digne de Sam Raimi avec Evil Dead. Les deux films ont d’ailleurs en commun cette apocalypse circonscrite entre quatre murs et une cave, ainsi que des situations aussi excessives que surréalistes (la réunion des grand-mères grabataires virant au pugilat). The Deadly Spawn bénéficiera d’une suite «officieuse» 10 ans plus tard (Metamorphosis : The Alien Factor) réalisé par Glenn Takakjian avant que James Gunn ne rende un vibrant hommage au film de Douglas McKeown avec Horribilis.